http://www.monde-diplomatique.fr/carnet/2013-04-26-BHL
vendredi 26 avril 2013
Depuis quarante ans, les élucubrations de Bernard-Henri Lévy lui ont valu les réprimandes et les sarcasmes d’intellectuels aussi divers que Raymond Aron, Pierre Vidal-Naquet, Gilles Deleuze, Pierre Bourdieu... Cela n’a nullement empêché le philosophe préféré des médias d’empiler les signes de reconnaissance de la bonne société et de multiplier les propos diffamatoires. Avec un argumentaire plutôt subtil : tous ses ennemis politiques seraient assimilables à des nazis...
La liste des bourdes et des calomnies de notre intellectuel de parodie est longue et ancienne. Il a pour distinction de s’être à peu près trompé sur tout. Soucieux d’accomplir un travail de mémoire sur les impostures intellectuelles de BHL, Le Monde diplomatique a, il y a quelques années, regroupé et classé toutes ses calembredaines dans un dossier très détaillé.
Mais rien n’y faisait. Les présidents français passaient (François Mitterrand, Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy, François Hollande), et chacun recevait Bernard-Henri Lévy à l’Elysée, comme si une telle charge relevait de son office au même titre que la désignation du premier ministre et la possession des codes nucléaires. Parfois, des présidents lui confiaient même une mission officielle ou semi officielle (en Bosnie dans le cas de Mitterrand, en Afghanistan avec Chirac, en Libye avec Sarkozy). Au risque pour la France d’embarrasser ses diplomates et de devenir (un peu) la risée des chancelleries du monde entier.
Le 23 avril 2013, la 17e chambre correctionnelle de Paris a cessé de rire. Dans un arrêt juridiquement remarquable, elle a reconnu Bernard-Henri Lévy « complice du délit de diffamation publique envers un particulier ». Et elle a estimé que Franz-Olivier Giesbert, qui avait publié le texte diffamatoire, s’était rendu, en qualité de directeur de la publication, « coupable » du même délit de diffamation publique.
De quoi s’agissait-il ? D’un « bloc-notes de Bernard Henri-Lévy » publié par Le Point. Cet exercice hebdomadaire de BHL est devenu la lecture presque obligée de tous ceux — sociologues, anthropologues, historiens, humoristes — qui travaillent sur les réseaux de connivence en France. Notre philosophe y dispense en effet, sans la moindre distance ni la moindre ironie, les compliments à ses obligés — ou à ceux dont il attend quelque faveur. Symétriquement, il se montre tout aussi généreux de ses remontrances, voire de l’expression violente de son animosité, lorsqu’il parle de ses adversaires. En particulier de ceux qui ont démasqué ses diverses impostures.