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« La structure même de la société mondiale et du droit qui la régit s’y oppose »
vendredi 31 août 2018, par CHEMILLIER-GENDREAU Monique
Monique Chemillier-Gendreau engage ici un dialogue avec Etienne Balibar à partir d’une tribune que ce dernier avait pubiée dans Le Monde, qui est par ailleurs disponible sur ESSF [1].
Cher Étienne,
Je n’ai pas réagi à votre message de début juillet et à votre article dans l’Humanité dimanche. J’étais d’accord en tous points avec vous et j’aurais dû vous le dire.
Et puis, il y a eu votre article dans Le Monde il y a quelques jours « Pour un droit international de l’hospitalité ». Je n’ai pas réagi immédiatement parce que j’étais absorbée par un travail urgent. Mais j’ai mis votre texte de côté car il suscite de ma part quelques commentaires que je me permets de vous transmettre. Et comme vous aviez envoyé le premier texte à une large liste de vos contacts, je me permets de vous faire mes commentaires par le même moyen (en y ajoutant quelques autres contacts) car je crois que ces questions sont la préoccupation de bien des intellectuels et qu’il est bon d’élargir le débat. D’autant que je souhaite sensibiliser tous ceux qui s’intéressent au drame des migrations à la question sur laquelle je veux mettre le doigt.
Vous souhaitez « limiter l’arbitraire des États » et vous dites plus loin « Le principe des principes, c’est que les migrants en situation d’errance jouissent de droits opposables aux lois et règlements étatiques, ce qui implique aussi qu’ils puissent se défendre et être représentés devant des juridictions ad hoc ou de droit commun ».
Je ne peux que souscrire pleinement à cela. Mais ce que je veux simplement rajouter c’est que la structure même de la société mondiale et du droit qui la régit s’y oppose. C’est cette aporie du système mondial qui est ignorée le plus souvent et qui, n’étant pas combattue, nous met dans des positions de déploration et donc d’impuissance.
Les éléments de ce que vous appelez de vos vœux comme un droit de l’hospitalité, ont déjà été affirmés dans des textes internationaux, pas seulement la Déclaration universelle des droits de l’homme, mais les Pactes internationaux qui eux, ont valeur obligatoire (autant que tous les traités de droit international que les États signent et ratifient comme la preuve de leur caractère vertueux, mais dont ils se fichent ensuite comme d’une guigne et dont ils entravent même l’application).
Tous les humains sans exception disposent selon le premier de ces textes (le Pacte sur les droits civils et politiques) du droit à la vie, du droit de ne pas subir de torture ou autre traitement inhumain ou dégradant, du droit de ne pas être tenu en esclavage, du droit de ne pas faire l’objet d’arrestation ou détention arbitraire.
Tous les humains sans exception ont encore, selon ces textes qui représentent le DROIT EN VIGUEUR, le droit à la reconnaissance en tous lieux de leur personnalité juridique, le droit à la liberté de conscience, d’expression et d’association, le droit à la vie familiale, le droit de libre circulation.