publié le samedi 7 février 2009
publié sur le blog du Monde diplomatique Information 2.0
Marie Bénilde
Le premier ministre israélien Ehoud Olmert ne s’en cache plus : dans une déclaration à la sortie de son conseil des ministres le 1er février, il a reconnu qu’Israël entendait répondre de « façon disproportionnée » aux tirs de roquettes palestiniennes effectués depuis Gaza en dépit d’un cessez-le-feu entré en vigueur le 18 janvier. Alors que le conflit au Proche-Orient tend à s’éclipser des gros titres de l’actualité, il n’est peut-être pas inutile d’interroger la façon dont les médias ont rendu compte de cette disproportion au cours du mois de janvier. Comment ils se sont efforcés de traiter cette « riposte » disproportionnée aux tirs du Hamas par un équilibre irréprochable des points de vue, une symétrie parfaite des sources, une répartition balancée des interventions israéliennes et palestiniennes... Cinq minutes à des représentants de la Palestine criant qu’on massacre leur peuple, cinq minutes à un porte-parole du gouvernement ou de l’armée israélienne égrenant sa propagande pré-mâchée pour médias dominants : c’est le Hamas qui a rompu la trêve, c’est le Hamas qui est responsable des victimes civiles en cachant ses combattants parmi les habitants...
Quelle autre guerre aurait prêté le flanc à pareille manipulation médiatique ? Imagine-t-on les médias occidentaux tendre aussi généreusement le micro à l’armée serbe de Milošević lorsqu’elle bombardait la population musulmane de Pristina, au Kosovo, il y a dix ans ? Mais la réprobation générale envers un régime assassin ne se souciait guère, alors, d’équilibre des approches. N’y avait-il pas un droit, un devoir d’ingérence humanitaire qui allait jusqu’à justifier le bombardement de la Serbie par l’OTAN ? Tous les médias, on s’en souvient, on épousé la cause du Kosovo.
A Gaza, il en va bien sûr tout autrement. Au cessez le feu du 18 janvier, le bilan de l’offensive israélienne était le suivant : 1 330 Palestiniens tués, dont plus de 410 enfants, et 65 % de civils parmi les morts d’après les services d’urgence palestiniens et le Centre palestinien des droits de l’Homme à Gaza. Du côté israélien, on dénombrait 10 militaires et trois civils tués. L’agression était-elle justifiée par une agression préalable ? Sur son blog, Alain Gresh a montré que c’est la rupture de la trêve par Israël, avec le raid meurtrier de son aviation en novembre contre des responsables du Hamas, qui a déclenché une reprise des tirs de roquettes palestiniens.
Une telle asymétrie dans la violence déployée eut enclenché, en d’autres lieux, une forte réaction internationale et l’émotion légitime des médias assistant au massacre d’un peuple. Or, comme en témoigne le refus de la BBC de diffuser un appel de fonds pour venir en aide aux victimes du conflit à Gaza, toute solidarité manifeste, toute sensibilité affirmée vis-à-vis de la détresse de la population palestinienne n’avaient pour ainsi dire pas droit de cité sur les antennes occidentales. « Impartialité de la couverture », justifia Mark Thomson, le patron de la BBC. « Objectivité intransigeante », renchérit John Rilay, son alter ego à Sky News, qui s’empressa de soutenir son « confrère », alors que l’archevêque de Canterbury appelait à la diffusion de cet appel du Comité d’urgence pour les catastrophes, auquel appartient notamment la Croix rouge britannique. Il n’est pas de droit d’ingérence humanitaire pour les victimes de la toute-puissante armée israélienne.
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