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sélectionné par http://groups.google.fr/group/medias-mensonges-desinformation
Traduit de l’anglais par Marcel Charbonnier. Source Eid Haidar
Texte original en anglais :
http://socialistworker.org/2009/03/09/massacre-in-slow-motion
9 MARS 2009
Plus d’un mois après la fin de l’agression israélienne contre Gaza, la
vie continue à être un combat quotidien, pour le million et demi de
Palestiniens de la bande de Gaza. Israël maintient son siège
étouffant, qui empêche le passage des produits de première nécessité,
plongeant l’immense majorité des résidents dans une pauvreté abjecte.
Un enfant, au milieu des gravats de ce qui fut sa maison, à Jabalia,
ville du nord de la bande de Gaza (AFP)
Mais un rayon d’espoir a émergé, sous la forme d’une solidarité
internationale croissante – depuis le Canada et les Etats-Unis jusqu’à
l’Europe, en passant par l’Afrique du Sud – visant à faire rendre à
Israël des comptes sur ses violations du droit international et des
droits humains des Palestiniens. Le 21 mars, la justice pour la
Palestine sera le principal leitmotiv d’une manifestation contre la
guerre qui se déroulera à Washington DC ; elle est organisée afin de
marquer le sixième anniversaire de l’invasion de l’Irak par les Etats-
Unis.
Question : La séquence « ball-trap » de la guerre israélienne est
désormais terminée, d’après les médias. Pourtant, Israël poursuit ses
frappes aériennes contre des cibles, à Gaza, tous les deux ou trois
jours. En plus de ces bombardements israéliens, le siège demeure
fermement en vigueur, empêchant absolument tous les biens vitaux de
première nécessité de pénétrer à Gaza. Pouvez-vous nous décrire les
conditions qui règnent, aujourd’hui, dans ce territoire ?
Haidar Eid : Le courageux historien israélien Ilan Pappe a parlé du
siège hermétique en place contre Gaza depuis près de trois ans. Avant
la guerre, Pappe avait qualifié ce siège de « génocide au ralenti »,
et il avait parfaitement raison.
Même avant la guerre, quelque 350 malades en phase terminale étaient
morts du fait qu’Israël ne les avait pas autorisés à sortir de Gaza
pour aller recevoir un traitement médical vital. Israël a refusé de
leur remettre des autorisations de voyager qui leur aurait permis de
se faire soigner dans des hôpitaux égyptiens ou jordaniens. Je parle
ici de patients souffrant de déficience rénale, de problèmes
cardiaques, d’un cancer.
La guerre a transformé le génocide au ralenti en un génocide bien réel
– je ne vois pas comment le qualifier autrement. Durant la guerre,
plus de 1’400 personnes ont été tuées.
Nous pensions que la fin de la guerre signifierait aussi la fin du
siège moyenâgeux imposé à Gaza. Mais, malheureusement, cela n’a pas
encore eu lieu depuis la fin du massacre de Gaza – je ne veux vraiment
pas parler de la fin de la « guerre », parce que la guerre n’a jamais
cessé, même si c’est sous d’autres formes. Israël n’a réalisé aucun
des trois objectifs qu’il avait déclarés au début du conflit :
renverser le gouvernement Hamas, mettre un terme aux lancements de
roquettes et établir un nouvel accord sécuritaire à Gaza.
politiquement, ce qu’ils ont été incapables d’obtenir militairement –
avec l’aide des Etats-Unis, même sous l’administration Obama, avec la
complicité de l’Union européenne et avec l’aide de certains régimes
arabes.
C’est la raison pour laquelle toutes les propositions en vue de la
reconstruction de la bande de Gaza qui ont été examinées au cours de
la récente conférence des donateurs internationaux tenue à Sharm el-
Sheikh ont autant de fils à la patte. En réalité, ce sont ces fils qui
rendent impossible la reconstruction de Gaza.
Ainsi, quand la secrétaire d’Etat Hillary Clinton est allée à Tel-Aviv
et à Ramallah, elle a parlé de conditions imposées à cette
reconstruction. La condition numéro 1, c’est que le gouvernement Hamas
et les formations de la résistance, de manière générale, reconnaissent
l’Etat d’Israël. La condition numéro 2, c’est la reconnaissance des
accords déjà signés entre l’OLP (Organisation de Libération de la
Palestine) et Israël, ce qui, en fin de compte, reviendrait à
reconnaître, là encore, l’Etat d’Israël.
Mais il reste certaines grosses questions à ce sujet, que les Etats-
Unis et les médias consensuels préfèrent éviter. En particulier : quel
est donc l’Israël que les Palestiniens sont supposés reconnaître ?
Israël est le seul pays membre de l’Onu qui n’ait pas de frontières
reconnues. Le mur d’apartheid représente-t-il la frontière de l’Etat
d’Israël ? Ou bien s’agit-il de la frontière de 1967 ? La
reconnaissance d’Israël, dans de telles conditions, rendrait possible
la poursuite de l’expansion territoriale israélienne.
Ensuite, Israël est aussi le seul pays, sur Terre, qui n’ait pas de
constitution. En lieu et place, Israël a ses Lois Fondamentales. La
première de ces lois définit Israël comme l’Etat des juifs où qu’ils
se trouvent, dans le monde entier. On a donc affaire à un état
théocratique, et non à un état, appartenant à tous ses citoyens. Cela
soulève la question du sort du 1,2 million de Palestiniens qui sont
considérés citoyens de l’Etat d’Israël, mais qui ne sont pas juifs.
Par ailleurs, quid des plus de six millions de réfugiés palestiniens
vivant dans la diaspora ? Aucun accord signé par l’OLP et Israël, avec
l’Amérique en modérateur, ne mentionne le droit au retour (de ces
réfugiés, chez eux), bien que la Résolution 194 de l’Onu appelle au
retour des réfugiés palestiniens chez eux, dans leurs villages, dans
les villes et les bourgs d’où ils ont été chassés. Et cette Résolution
194 préconise des compensations pour les injustices qu’ils ont subies.
Mais ce sont là des choses auxquels Israël veut faire renoncer les
Palestiniens avant même que de quelconques pourparlers soient entamés.
Comme l’a dit Karl Marx, l’histoire se répète, la première fois sous
forme de tragédie, la deuxième fois sous forme de pochade.
Aujourd’hui, nous avons assisté à la conférence des donateurs, ainsi
qu’à une visite dans la région d’Hillary Clinton, durant laquelle elle
n’a pas eu un seul mot de sympathie pour le calvaire des Palestiniens.
C’est comme l’a dit Marx, à cette différence près : c’est en même
temps une tragédie et une farce !
Les Palestiniens paient un prix exorbitant. C’est la continuation de
la guerre génocidaire lancée par Israël contre Gaza, avec le soutien
de la communauté internationale. Et les discussions supposées
contribuer à la reconstruction ne sont qu’un moyen supplémentaire de
mettre en application l’agenda israélien.
Question : Les Etats-Unis et Israël appellent par ailleurs le Hamas à
« renoncer à la violence », mais ils ne prennent pas conscience,
manifestement, de l’hypocrisie incroyable de cette exigence ? Israël
ne cesse d’user d’une violence écrasante et totalement
disproportionnée à l’encontre des Palestiniens, et c’est les Etats-
Unis qui fournissent à Israël les armes pour ce faire ?
Haidar Eid : Absolument ! De quelles armes la Résistance dispose-t-
elle, à Gaza ? Des roquettes artisanales bricolées à la maison, et
quelques missiles Grad passés en contrebande par les tunnels reliant
l’Egypte à Gaza. Mais aujourd’hui, ces tunnels ne sont plus
utilisables. Israël les a bombardés à plusieurs reprises.
En raison du siège israélien imposé à la bande de Gaza, ces tunnels
ont été utilisés aussi pour apporter des biens essentiels à
l’intérieur de ce territoire. Par exemple, je n’ai pas pu prendre ma
voiture depuis la fin de la guerre, parce que nous ne recevons plus
d’essence d’Egypte, le super devant être passé clandestinement, via
les tunnels.
Nous parlons, ici, de la quatrième armée au monde, dotée de 250 têtes
nucléaires, d’avions F-16 et d’hélicoptères, contre une population
très largement sans défense. Nous ne parlons absolument pas de deux
camps opposés, qui seraient de force comparable.
D’après le droit international, Israël occupe illégalement la
Cisjordanie et la bande de Gaza. Israël interdit illégalement à plus
de six millions de Palestiniens de rentrer chez eux, dans leurs
villages et dans leurs villes.
Ce que nous exigeons – moi-même, en tant que membre de la société
civile palestinienne, qu’universitaire et que militant – c’est
simplement la mise en application des résolutions de l’Onu et du droit
international. Sous l’empire du droit international, nous avons droit
à un Etat et les réfugiés ont le droit de rentrer chez eux.
En signant les accords d’Oslo, en 1993, la direction palestinienne
officielle a conclu un accord qui viole tant nos droits que le droit
international. C’est désormais devenu une habitude, pour Israël et les
Etats-Unis, d’attendre du camp le plus faible, les Palestiniens, de
faire toujours plus de concessions.
Une des plus grosses erreurs qu’ait faites la direction palestinienne,
ce fut de faire la supposition que les Etats-Unis n’agissaient qu’en
tant que courtiers honnêtes. Mais, en réalité, les Etats-Unis ont été
totalement partisans – en raison de l’activité du lobby pro-israélien
américain, et aussi parce qu’à mon avis, il est impossible de séparer
les intérêts de l’impérialisme américain et ceux du sionisme, au Moyen-
Orient.
Les Etats-Unis ont attaqué, puis occupé l’Irak, et ils ont commis un
véritable génocide à l’encontre de la population irakienne. Ils ont
tué plus d’un million et demi d’Irakiens, à cause du pétrole, afin de
réaliser leurs intérêts dans la région, et afin de protéger l’Etat
d’Israël.
En Irak, les Américains ont échoué lamentablement. Israël a échoué
pitoyablement au Liban en 2006. Alors, voilà : ils ont essayé de viser
ce qu’ils considéraient être la poche de résistance la plus faible au
Moyen-Orient, j’ai nommé Gaza. Heureusement : nouvel échec ! Israël a
essayé, vingt-deux jours durant, de mettre la résistance à genoux,
mais il n’a pas réussi.
C’est la raison pour laquelle ils essaient de réussir politiquement,
là où ils ont échoué, militairement.
Question : Les conditions mises à l’aide à la reconstruction, lors du
sommet de Sharm el-Sheikh, et la visite d’Hillary Clinton, visent à
politiser la reconstruction en canalisant de l’argent et des soutiens
vers l’Autorité palestinienne (AP) et vers son président, Mahmoud
Abbas. On a d’ailleurs vu Abbas, après sa rencontre avec Clinton,
avertir l’Iran de ne pas « s’immiscer » dans les affaires intérieures
palestiniennes. Pouvez-vous nous expliquer ce qu’il se passe, en ce
moment ?
Haidar Eid : La dynamique récente, au Moyen-Orient, voit Israël et les
forces pro-Oslo au sein de la direction politique palestinienne, ainsi
que plusieurs des régimes réactionnaires arabes, aux côtés des Etats-
Unis, tenter de déformer la conscience des Arabes, en général, et des
Palestiniens, en particulier.
Les Arabes et les Palestiniens ont toujours considéré qu’Israël était
l’ennemi, du fait qu’il a chassé les deux-tiers des Palestiniens de
chez eux, en 1948, qu’il occupe la Cisjordanie et la bande de Gaza
depuis 1967, et qu’il lance une série ininterrompue de guerres
génocidaires contre les Palestiniens.
Aussi Israël et les Etats-Unis s’ingénient-ils à faire de l’Iran et de
la direction chiite le nouvel ennemi des Palestiniens et des Arabes,
en particulier des Arabes sunnites. Autrement dit, ils font la
promotion de politiques identitaires et de divisions sectaires,
exactement de la même manière que les Américains, en Irak. Cette
approche a échoué, au Liban, mais Abbas continue à travailler avec les
Américains et les Israéliens afin de mener une telle politique, à Gaza.
L’Iran ne se contente pas de soutenir le Hamas. L’Iran, depuis la
chute du Shah soutenu par les Etats-Unis, en 1979, a toujours soutenu
la résistance palestinienne, par exemple en permettant aux
Palestiniens d’ouvrir une ambassade à Téhéran.
L’Iran apporte effectivement une certaine aide militaire à la
résistance palestinienne, de la même manière qu’il a apporté une aide
à la résistance au Liban. Il est important que nous comprenions que si
les Palestiniens veulent poursuivre leur lutte pour conquérir leurs
droits nationaux, ils ont besoin du soutien des musulmans, des Arabes
et des peuples aimant la liberté, dans le monde entier.
Le soutien en provenance d’Iran n’est pas conditionné, il n’a pas de
ficelles aux pattes, comme celui des Etats-Unis, celui de l’Union
européenne ou d’ailleurs. Nous avons un projet commun, et nous avons
des objectifs communs : lutter contre l’impérialisme américain au
Moyen-Orient et libérer la Palestine. C’est la raison pour laquelle
les Etats-Unis et leurs alliés, dont plusieurs régimes arabes,
fustigent l’Iran, en le présentant, au sein du monde arabe, comme l’ «
ennemi des Arabes et des musulmans ».
Pour en revenir aux ficelles attachées à la fameuse « aide à la
reconstruction », je ne pense pas qu’il y ait un seul Palestinien qui
soit doté d’un minimum de dignité et qui pourrait les accepter ?!
Pourquoi devrions-nous accepter une aide conditionnée à l’idée que ce
qui est arrivé à Gaza était une catastrophe naturelle – par opposition
à la réalité, c’est-à-dire un désastre délibérément provoqué par
l’Etat d’Israël afin d’anéantir la résistance et la société
palestiniennes ?
Si la population de Gaza a été punie, c’est en raison de son choix
démocratique, en 2006, d’un parti, le Hamas, qui ne soutient pas les
accords d’Oslo, et prône le droit au retour de tous les réfugiés
palestiniens.
Bien que je ne soutienne pas le Hamas idéologiquement, c’était le
choix démocratique du peuple palestinien. Et la majorité de ceux qui
ont porté le Hamas au gouvernement n’étaient pas des partisans du
Hamas, mais des gens désireux de voter pour une organisation qui ne
fût pas corrompue et qui ne soutînt pas les accords d’Oslo.
Depuis le début du « processus de paix » d’Oslo, en 1993, et jusqu’à-
présent, nous n’avons toujours pas vu d’Etat palestinien indépendant.
Au contraire : Israël a augmenté le nombre des colons vivant en
Cisjordanie, qui est passé de 190’000 à plus d’un demi-million, et il
a exproprié plus de 25 % des terrains de la Cisjordanie en érigeant le
mur d’apartheid, en étendant le Grand Jérusalem et en agrandissant les
colonies juives existantes, en Cisjordanie.
Par conséquent, Israël a rendu impossible l’établissement d’un Etat
palestinien indépendant sur 22 % de la Palestine historique. Je pense
que les Palestiniens du peuple en ont conscience, c’est la raison pour
laquelle ils soutiennent la résistance – non seulement le Hamas, en
tant qu’organisation, mais toutes les organisations de résistance,
comme le Front Populaire de Libération de la Palestine, les Comités
Populaires de Résistance, le Jihad islamique, etc…
Question : Pendant longtemps, le présupposé, dans les cercles
diplomatiques israélien, américain et palestinien, c’était qu’il y
avait un progrès vers la mise en application d’une solution à deux
Etats. L’élection du nouveau gouvernement israélien – avec Benjamin
Netanyahu, du Likoud, au poste de Premier ministre, un gouvernement
marqué par un racisme anti-arabe extrémiste et un rejet ouvert de la
solution à deux Etats, en faveur d’une vision d’un « Grand Israël » -
semble marquer un réel tournant. Quelles en seront, à votre avis, les
conséquences ?
Haidar Eid : Israël a d’ores et déjà rendu impossible la solution à
deux Etats, et nous avons absolument besoin de débattre d’un programme
alternatif à cette fiction qu’est la « solution à deux Etats ». La
première chose à faire, c’est démanteler l’Autorité palestinienne.
L’Autorité palestinienne est un produit des accords d’Oslo, et elle
envoie un message erroné tant à la communauté internationale qu’aux
mouvements de solidarité dans le monde entier. L’existence de
l’Autorité palestinienne suggère l’idée qu’existent, en Palestine,
deux camps de force comparable – l’Etat israélien, avec son armée, et
l’Autorité palestinienne, avec son armée.
Pour corriger cette équation, il faut absolument se débarrasser de
l’Autorité palestinienne. La relation existante n’est absolument pas
une relation entre égaux, mais entre un occupant et un occupé, entre
un oppresseur et un opprimé.
En démantelant l’Autorité palestinienne, les Palestiniens de Gaza et
de Cisjordanie peuvent former un front national qui dirigerait la
résistance palestinienne à l’occupation – comme celle que nous avons
eue, durant la première Intifada, en 1967.
Le massacre de Gaza a été comme une sorte de tsunami politique, qui
devait changer la carte de la totalité du Moyen-Orient, et pas
seulement celle de la Palestine. Ce massacre a montré à tous que les
accords d’Oslo sont un faux : ils n’ont jamais visé à aboutir à la
création d’un quelconque Etat palestinien indépendant, et ils n’ont
jamais défendu la sécurité des civils palestiniens de Gaza et de
Cisjordanie.
En fin de compte, ils ont abouti à faire de Gaza le plus grand camp de
concentration au monde. Et ils ont abouti à faire de la Cisjordanie
trois bantoustans –un au nord, incluant Qalqiliya, Jénine et Tulkarem,
un autre, au milieu, avec Ramallah, et un troisième, au Sud, avec
Hébron et Bethléem.
La plupart des Palestiniens en ont aujourd’hui conscience, et ils sont
bien plus déterminés que leur leadership, pour une raison très
concrète : parce que les accords d’Oslo ont créé une nouvelle
bourgeoisie palestinienne, dont les intérêts sont liés à la poursuite
de l’occupation israélienne et à la protection des intérêts américains
au Moyen-Orient.
Le problème, je pense, c’est qu’il n’y a pas une seule organisation
politique, chez les Palestiniens, qui préconise clairement la création
d’un Etat démocratique laïc dans la Palestine historique, sur le
modèle de l’Afrique du Sud ou de l’Irlande du Nord. C’est ça, le
problème : nous avons besoin d’une organisation politique qui en
appelle à un Etat pour tous ses citoyens, sans considération aucune
pour la religion, les sectes et l’ethnicité.
Je pense que nous nous acheminons vers une troisième Intifada, qui va
largement dépendre de la résistance commune du peuple palestinien et,
de manière cruciale, du soutien d’un mouvement de BOYCOTT, de
DESINVESTISSEMENTS et de SANCTIONS (BDS) à l’encontre d’Israël
organisé à l’échelle mondiale.
Pour ne citer que quelques-uns des exemples corroboratifs de
militantisme en faveur des BDS dans le monde entier, il y a eu plus de
vingt-huit campus universitaires occupés par les étudiants, en Grande-
Bretagne, plusieurs campus occupés aux Etats-Unis et la décision prise
par le Hampshire College de désinvestir d’Israël ; mentionnons aussi
diverses actions de groupes de solidarité en Afrique du Sud.
Nous voulons former une campagne internationale de BDS sur le modèle
du mouvement anti-apartheid qui a fini par entraîner la fin du pouvoir
blanc en Afrique du Sud, en 1994, et à la libération de Nelson
Mandela, en 1990.
Question : Il semble y avoir un réel enthousiasme pour bâtir un tel
mouvement afin de défier l’occupation israélienne et de développer une
solidarité significative avec la cause palestinienne. Mais certaines
personnes continuent à se demander si une campagne de BDS aboutirait à
supplanter l’« engagement constructif » qui est sans doute essentiel à
une solution au conflit ? Qu’en pensez-vous ?
Haidar Eid : La question du dialogue entre Israël et les Palestiniens
peut être réglée ainsi : depuis 1993, il y a eu des négociations entre
Israël et l’Autorité palestinienne, et le résultat, c’est : un
massacre, à Gaza !
Et – principe de base – il est absurde, à mes yeux, d’avoir un «
dialogue » avec une force occupante d’une supériorité infinie, sans
prendre en considérations les moyens par lesquels la résistance
pourrait créer les conditions nécessaires pour une avancée minimale
dans ledit dialogue.
Le philosophe français Michel Foucault a dit que là où vous avez une
autorité et un pouvoir, vous avez aussi une résistance. Un des
problèmes inhérents au leadership officiel, en Palestine, c’est le
fait qu’il a mis tous ses œufs dans le panier des négociations et du
dialogue, sans prendre en considération la question de la résistance.
C’est une des raisons pour lesquelles le Fatah, le courant de Mahmoud
Abbas au sein de l’Autorité palestinienne, a perdu les élections. Ce à
quoi nous en sommes arrivés, c’est à une situation qui n’est pas sans
évoquer l’Afrique du Sud au milieu et à la fin des années 1980, quand
les opposants au mouvement anti-apartheid s’étaient déchaînés contre
ce mouvement, en particulier après que Ronald Reagan et Margaret
Thatcher eurent déclaré que l’Occident se devait d’entretenir des
relations avec l’Afrique du Sud, dans le cadre d’une politique d’ «
engagement positif ».
En réalité, la plupart des militants des associations anti-apartheid
et de solidarité ont pensé qu’il était absurde de parler d’un tel
engagement, l’équilibre des forces étant ne faveur de l’oppresseur.
La même chose vaut, en Palestine. Quand vous avez des négociations, la
partie puissante interprète n’importe quel argument dès lors qu’il est
formulé en des termes qui sanctuarisent leurs propres intérêts, et non
pas ceux de l’occupé.
En raison du hiatus énorme entre les victimes palestiniennes et les
occupants israéliens, nous avons besoin de l’intervention de la
communauté internationale, expression par laquelle je désigne non pas
des corps officiels, mais des organisations de la société civile, des
églises, des mosquées, des clubs, des groupes d’étudiants, des
syndicats, etc.
Ce sont ces forces qui ont boosté le mouvement anti-apartheid contre
le gouvernement sud-africain, durant les années 1980 et au début des
années 1990. Je m’en souviens très bien : quand Nelson Mandela a été
libéré de prison, en 1990, il a appelé tous les soutiens des Noirs sud-
africains à ne pas relâcher leurs efforts contre l’apartheid, et à ne
pas mettre fin au mouvement, tant qu’il n’aurait pas été élu le
premier Président d’une Afrique du Sud multiraciale et multiculturelle.
A mes yeux, la même chose peut se produire, en Palestine. En raison de
ce déséquilibre des pouvoirs, nous avons besoin de l’intervention de
la communauté internationale. Je ne pense pas que les Palestiniens
seront capables de se battre seuls contre les Israéliens, parce que
personne ne peut combattre une telle force militaire écrasante en
étant seul.
Le mouvement anti-apartheid contre le gouvernement sud-africain était
basé sur quatre piliers : la lutte armée, la mobilisation de masse à
l’intérieur de l’Afrique-du-Sud, le mouvement politique clandestin et
le mouvement anti-apartheid mondial.
Malheureusement, le leadership politique, ici, en Palestine – qu’il
s’agisse de la droite ou de la gauche, du Hamas, du Fatah ou du Front
Populaire de Libération de la Palestine, est dépourvu de cette
conscience internationaliste.
Cette dimension internationaliste commence à se manifester ; elle
provient des organisations de la société civile. C’est la raison pour
laquelle, en 2005, plus de 107 organisations de la société civile
palestinienne ont lancé un appel à la communauté internationale – un
appel à boycotter Israël et à couper tous liens diplomatiques,
militaires et économiques avec l’Israël de l’apartheid.
La seule chose sur laquelle nous puissions compter, c’est le pouvoir
du peuple !
Haidar Eid, professeur d’anglais, commentateur politique et activiste
de longue date, habite à Gaza-Ville. Il a apporté un témoignage
oculaire et une analyse de la guerre israélienne à
SocialistWorker.org. Il débattait ici, avec Eric Ruder, de
l’occupation israélienne et du combat des Palestiniens pour la justice.
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