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Source : www.michelcollon.info
1er février 2011
Les Tunisiens ont fait tomber le dictateur Ben Ali. Aujourd’hui, ils continuent à lutter contre ses hommes à la tête du gouvernement de transition. Dans ce nouveau chapitre de notre série « Comprendre le monde musulman », Mohamed Hassan nous explique les enjeux de la révolution tunisienne et ses causes profondes : comment le nationalisme libéral prôné par Bourguiba a soumis la Tunisie aux intérêts occidentaux, plongeant le peuple dans la précarité ; comment un Etat répressif s’est mis en place pour maintenir ce système ; pourquoi les dictatures du monde arabe sont amenées à tomber ; et comment l’islamisme est devenu le préservatif de l’impérialisme.
En décembre 2010, des révoltes éclatent en Tunisie. Un mois plus tard, le président Ben Ali fuit le pays après vingt-trois ans de règne. Quelles sont les causes de cette révolution ? Et pourquoi ce mouvement populaire est-il parvenu à faire tomber le dictateur là où d’autres tentatives ont échoué ?
Pour qu’il y ait une révolution, il faut que la population refuse de vivre comme avant et que la classe dirigeante ne soit plus en mesure de gouverner comme avant. Le 17 décembre 2010, Mohamed Bouazizi, un jeune vendeur de fruits et légumes, s’est immolé par désespoir après que des policiers lui aient confisqué sa marchandise et que les autorités locales l’aient empêcher de travailler. Les conditions étaient réunies pour qu’une révolution éclate en Tunisie, et le suicide de Bouazizi a été l’élément déclencheur.
En effet, les Tunisiens ne voulaient plus vivre comme avant : ils n’acceptaient plus la corruption, la répression policière, le manque de libertés, le chômage, etc. Par ailleurs, la classe dirigeante ne pouvait plus gouverner comme avant. La corruption sous Ben Ali avait pris une ampleur phénoménale alors que la majorité de la population devait affronter la précarité. Pour maintenir cette situation, la répression policière devait se faire plus forte mais elle avait atteint ses limites. L’élite au pouvoir était complètement déconnectée du peuple pour qui il n’y avait aucun interlocuteur. Par conséquent, lorsque les révoltes populaires ont éclaté, la classe dirigeante n’avait d’autre choix que de réprimer dans la violence. Mais face à la détermination du peuple, la répression a atteint sa limite. C’est d’ailleurs une des clés de la réussite de la révolution populaire tunisienne : elle est parvenue à toucher tous les segments de la société, y compris des membres de l’armée et de la police qui ont sympathisé avec les manifestants. L’appareil répressif ne pouvait donc plus fonctionner comme avant lui non plus. Si une révolte survient mais qu’elle n’est pas capable de combiner les différents segments de la société, elle ne pourra pas déboucher sur une véritable révolution.