par Sebastian Seibt, France 24, le 5 août 2014
L’Espagne et le Royaume-Uni ont annoncé, le 4 août, la révision de leur politique d’exportation d’armes vers Israël en raison du conflit à Gaza, preuve que les États-Unis ne sont pas les seuls à équiper Tsahal.
Contrairement aux idées reçues, les États-Unis ne sont pas les seuls à vendre des armes à Israël. Réagissant au conflit à Gaza, deux pays européens, l’Espagne et le Royaume-Uni, ont annoncé, lundi 4 août, leur décision de revoir leurs exportations de matériel militaire vers l’État hébreu.
Madrid a choisi de suspendre totalement ses ventes d’armes à Israël. Mais la mesure est plus symbolique qu’autre chose car elle ne représente que cinq millions d’euros. Le Royaume-Uni ne va pas aussi loin. Le gouvernement britannique a seulement annoncé vouloir s’assurer que l’équipement militaire livré ne serait pas utilisé à Gaza. Mais dans le cas britannique, les sommes en jeu citées par le Financial Times sont bien plus importantes puisqu’il s’agit de 8 milliards de livres sterling (10 milliards d’euros, 13 milliards de dollars).
Ce montant a de quoi surprendre. Le Royaume-Uni aurait-il détrôné les États-Unis ? Washington ne vend, en effet, qu’entre 2,5 et 3 milliards de dollars de matériel militaire à Israël. "C’est vrai que le chiffre avancé par Londres est étonnant, mais il ne faut pas oublier qu’il ne s’agit pas de matériel livré mais d’autorisation d’exportation [c’est-à-dire la valeur des licences pour d’éventuels exportations, NDLR], qu’on ne connaît pas leur durée de validité et qu’on ne sait pas non plus si ce montant englobe les licences accordées à des filiales d’entreprises israéliennes implantées au Royaume-Uni”, explique Pieter Wezeman, chercheur sénior, spécialiste des ventes d’armes au Stockholm International Peace Institute (SIPRI). Pour lui, les véritables exportations d’armes britanniques vers Israël sont bien moins importantes.
La France petit joueur, l’Allemagne dans la cour des grands
L’Espagne et le Royaume-Uni ne sont pas les seuls pays européens qui fournissent du matériel militaire à Israël. La France, par exemple, a accordé en 2012 des autorisations d’exportations d’une valeur de plus de 200 millions d’euros. Elles concernent, essentiellement, des roquettes, missiles, aéronefs et du matériel électronique (guidage, brouillage de radar etc.). Mais comme Madrid, Paris n’est qu’un petit joueur.
Outre les États-Unis, le seul autre pays à avoir un poids relativement important dans ce commerce avec Israël est l’Allemagne. Berlin “vend des sous-marins et les moteurs pour les tanks israéliens”, explique Pieter Wezeman. Le circuit des exportations de moteurs est cependant cocasse. Ils sont produits en Allemagne puis envoyés “aux États-Unis où ils sont assemblés afin de pouvoir être considérés comme des produits d’exportations américains qu’Israël peut payer avec l’argent avancé chaque année par Washington à Tel Aviv pour s’équiper”, précise cet expert du SIPRI.
Et puis au fil du temps, Israël a développé un complexe militaro-industriel très performant, lui permettant d’être indépendant dans bien des secteurs. “Israël est très fort pour tout ce qui concerne les équipements radars, le matériel pour le renseignement et les puces électroniques”, précise Pieter Wezeman. Le pays est aussi à la pointe de la conception de drones, même si Tel Aviv achète certains composants, comme les moteurs, à l’étranger, notamment au Canada. Le grand point faible d’Israël concerne les avions de chasse, de transport et les navires. “C’est trop lourd et coûteux à construire pour un petit pays”, explique Pieter Wezeman. D’où l’intérêt de Tel Aviv pour les sous-marins allemands, par exemple.
Réduire les importations plutôt que les exportations
Pour l’instant, Israël peut continuer à mener son opération contre le Hamas à Gaza sans craindre d’être à court de munitions… ou autres matériels militaires. “Les États-Unis et l’Allemagne n’ont montré aucun signe d’une volonté de réduire leurs exportations d’armement vers Israël”, souligne Pieter Wezeman. Pour ce spécialiste, tous les autres pays peuvent bien décider d’arrêter de livrer du matériel à l’État hébreu, “ça ne changera rien à la situation”.
Mais si réduire les exportations ne changera pas grand chose, baisser les importations de matériels militaires conçus en Israël pourrait être plus efficace pour les pays européens voulant protester contre la violence à Gaza, d’après Pieter Wezeman. Le commerce d’armes rapporte, en effet, environ sept milliards d’euros à Tel Aviv tous les ans et environ 10 % de ces exportations sont destinés à des pays européens.
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