Mercredi 2 septembre 2015
"Ce qui s'est passé en Grèce..."
19h30
au Bazar Café
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27 juillet 2015 à 11:49 dans Actualité, Economie: sur la crise... et la dette, Europe | Lien permanent | Commentaires (0)
SARTZEKIS Andreas, membres d'Antarsya
13 juillet 2015
« 61,3 % de Non pour renverser le système, 251 de Oui pour la soumission au système »... Tel était hier dimanche le titre de Prin, le journal de NAR, composante d’Antarsya et principal groupe de la gauche révolutionnaire grecque...
A lui seul, il résume clairement le paradoxe de la situation, alors qu’en ce lundi matin, les propositions d’un 3e mémorandum approuvées il y a peu par une immense majorité de députés grecs (251 sur 300) sont déjà fort dépassées par les exigences des vautours de la troïka. Alors que tout est fait du côté des instances européennes mais aussi du côté des partis institutionnels grecs pour faire oublier le Non du 5 juillet, il est nécessaire pour cerner les exigences de cette phase (« tragique » pour reprendre le terme employé par Stathis Kouvelakis, même si le spectacle des débats européens relève plutôt du grand guignol, avec un plumitif comme Leparmentier du Monde et ses chroniques haineuses dans le rôle du gendarme) de revenir sur l’importance décisive de ce vote.
Un référendum pour rien ?
En Grèce mais aussi ailleurs, les débats sur le refus de Tsipras de prendre en compte l’extraordinaire résultat du Non ont tendance à être traduits en deux directions : soit une trahison qui prouverait le caractère contre révolutionnaire de Syriza, soit une adaptation contrainte mais inévitable aux circonstances par trop défavorables aux initiatives même un tant soit peu réformistes. Si de telles discussions sont normales, elles doivent être dépassées pour déboucher sur des propositions constructives, c’est-à-dire crédibles et mobilisatrices, appuyées sur le message populaire et de classe du référendum.
Cela nous oblige à reposer la question : le référendum relevait-il d’un grand flair politique de Tsipras, comme l’écrit A. Poinssot sur Mediapart ? A notre avis, non : il semble davantage s’agir d’un acte de découragement politique de la direction de Syriza, voyant que toutes ses propositions étaient successivement rejetées par une troïka dont Tsipras avait accepté les règles de fonctionnement. Pour rappel : le programme électoral de Thessalonique était un recul par rapport à celui de Syriza. Une fois élu, Syriza a délaissé ce programme minimum pour se fixer de ne pas dépasser les « lignes rouges » (retraites, droit du travail). Or, à chaque fois, la pression de la bourgeoisie européenne - le prix Nobel Stiglitz a clairement montré que ses motivations étaient strictement politiques - a fait reculer les lignes, et à chaque fois le gouvernement a déclaré être prêt à rechercher un accord avec la troïka.
Plus qu’un alignement total sur le programme capitaliste comme l’a effectué la social démocratie, il faut plutôt voir ici l’extrême naïveté d’un parti réformiste dans lequel travaille une minorité radicale qui n’arrive pas à peser sur l’orientation. En bonne direction réformiste classique, plutôt que d’appeler à la mobilisation européenne des travailleurs et des jeunes pour faire céder la troïka, la direction de Syriza s’est prononcée pour un référendum improvisé : si le Oui l’avait emporté, on peut penser que Tsipras aurait remis le gouvernement à la droite pour se refaire une santé dans l’opposition, et si le Non l’emportait, ce serait pour mieux négocier les reculs imposés par la troïka (un projet de 3e mémorandum ayant été communiqué à Bruxelles avant le vote).
Or, ce qui a surpris tout le monde, y compris la gauche révolutionnaire qui a joué en même temps un rôle clé dans la mobilisation pour le Non, c’est le mouvement en profondeur exigeant une rupture nette avec l’austérité : rester dans l’Europe, mais pas celle des vautours et de l’oligarchie, au contraire, l’Europe des travailleurs/euses, des jeunes, de la solidarité. Même si cela n’est pas ressorti avec ces mots d’ordre, c’est sûrement la première fois dans l’histoire européenne que se dessine une telle exigence à un tel niveau de masse, et évidemment, ce mouvement de masse a totalement éclipsé la petite mobilisation des nantis en faveur du Oui, manifestant à grand renfort de soutien médiatique pour le maintien de l’Europe des privilégiés.
D’où le caractère honteux de la position du KKE (PC grec) appelant de fait au vote nul (et le soir du référendum, le dirigeant Koutsoumbas a voulu s’adresser aussi bien à ceux qui avaient voté Non qu’à ceux qui avaient voté Oui...).
D’où aussi l’attitude des électeurs du groupe nazi Aube dorée qui appelait à voter Non sans aucune présence dans la campagne, les murs témoignant encore que celle-ci était 100 % à gauche : les sondages sortis des urnes montrent que 60 % de ses électeurs ont voté Oui, signe de la polarisation de classe de cette campagne !
Le soir du 5 juillet, il a été assez vite clair que le Non était gagnant, et au bout de deux heures qu’il s’agissait d’un ras de marée populaire, salué par un énorme rassemblement spontané sur la place Syntagma. Or, il a fallu attendre plus de 5 heures pour avoir la déclaration de Tsipras : on imagine non seulement la surprise, la même partagée par tout le pays, mais surtout l’embarras de la direction de Syriza. Or, alors que la droite s’effondrait, avec son chef Samaras démissionnant en direct, que les médias privés étaient blêmes, que les quartiers ouvriers fêtaient cette exigence de rompre avec les « règles » de l’austérité, la déclaration de Tsipras a immédiatement fait l’effet d’une douche froide : plutôt que d’appeler à prolonger la mobilisation, y compris pour porter à la troïka des revendications de justice sociale, Tsipras a véritablement cassé cette immense victoire pour appeler à l’union nationale et à une réunion des chefs de partis dès le lendemain, pour soit disant être en mesure de mieux porter les revendications qui restaient celles d’un nouveau mémorandum.
Conséquences possibles d’un vote trahi
En cela, il est difficile de ne pas parler de trahison, qui en rappelle d’ailleurs une autre : en 2013, alors que les enseignants du second degré en grève reconductible s’étaient prononcés pour la grève du bac grec (panellinies), cette décision avait été refusée par la direction du syndicat Olme, à savoir par les courants du Pasok, de la droite et de Syriza, le KKE ayant refusé la grève dès le début, seul le courant formé notamment par Antarsya votant pour la poursuite de la grève et le respect des votes des enseignants...
Déjà, à l’époque, perçait cette crainte de Syriza de se retrouver dans une situation hors institution. C’est la même chose aujourd’hui, avec des conséquences autrement plus graves, si le cours actuel n’est pas inversé par des mobilisations. En effet, il y a déjà, en dehors des vautours de Bruxelles, au moins trois gagnants : le KKE, dont la direction avait été désavouée lors du vote, qui parade sur le thème « on vous l’avait bien dit », alors que le malaise de la consigne de vote pouvait déboucher sur un appel à travailler à l’unité à la base. Déjà, vendredi 10, le cortège du courant syndical du KKE dans la manifestation contre le vote Oui au parlement était très gros et très mobilisé, sur une base très sectaire.
Autre gagnant possible : les nazis, qui pourraient profiter d’un repli nationaliste possible sur la base du découragement. Il faut préciser que les procès des chefs ayant été reportés, ceux ci sont en liberté, et des attaques racistes reprennent ça et là...
Autres gagnants : les partis de la réaction qui, le 5 juillet au soir, n’en attendaient pas tant. Ainsi, quand on entend le dirigeant d’un groupe de droite Theodorakis (rien à voir avec le compositeur qui lui appelait à voter Non), on se demande si ce n’est pas lui le Premier ministre. D’ailleurs les dirigeants européens invitent cette baudruche pour bien montrer leur conception très particulière de la souveraineté démocratique.
Mais bien sûr, le grand perdant, c’est le peuple grec et en particulier les travailleuses-eurs et les jeunes : le mémorandum Tsipras, ce sont des attaques sur les retraites, la suppression de la petite augmentation du Smic à l’automne, les privatisations avec leur cortège de licenciements, le retour de l’évaluation sanction dans le secteur public… C’est à dire tout le contraire du sens du vote du 5 juillet et du formidable espoir apparu dès les immenses rassemblements du 3 juillet. Avec bien sûr un risque énorme si les mobilisations anti-austérité ne s’étendent pas : un découragement s’accompagnant d’un repli de type nationaliste pourrait à terme faire rebondir les nazis, et risquerait de casser durablement l’espoir d’une gauche radicale en Grèce mais aussi en Europe, sans que les révolutionnaires en profitent en quoi que ce soit. Voilà pourquoi ce qui se joue en Grèce doit donner lieu à des mobilisations énormes dans le pays mais aussi dans toute l’Europe !
Pour un mouvement anti-austérité partout en Europe !
Le vote de vendredi au parlement a permis de voir à quel point ce parlement est en décalage avec la volonté populaire : les partis de l’ancien gouvernement ont voté Oui, ainsi que leur nouveau complice Potami, et l’allié de Syriza Anel. Le KKE a voté non, ainsi que Aube dorée, mais bien sûr, il est intéressant de voir le détail du vote des députés Syriza : l’immense majorité a voté Oui (total des Oui : 251 sur 300 députés), 2 ont voté non (membres de DEA), 8 ont voté abstention (parmi lesquels les ministres dirigeants de la Plateforme de Gauche Lafazanis et Stratoulis, et la présidente du Parlement Konstantopoulou, ainsi que l’ancienne journaliste d’ERT Kyritsis), et 7 étaient absents. Parmi ceux qui ont voté Oui, 15 députés de la Plateforme de Gauche, avec comme explication qu’ils ne voulaient pas faire tomber le gouvernement en votant Non, ce qui était d’ailleurs exclu. Ainsi, bien peu de contestation de la part des députés Syriza face à ce détournement du vote populaire.
Et une nouvelle fois, revient l’argument officiel de Syriza pour justifier tous ses reculs : finissons-en avec les négociations, ce sera un accord pourri mais une fois fait, on pourra enfin gouverner, ce qu’on n’a pas pu faire depuis 5 mois... Certes, des sondages continuent à montrer une avance insolente de Syriza sur la droite, mais la vraie question est ailleurs : même si Syriza peut gouverner - rien de moins sûr, l’objectif que l’on peut comprendre dans le rictus haineux de Sarkozy contre « monsieur Tsipras » restant de chasser Syriza du gouvernement - ce serait pour quelle politique ? Ce matin, les nouvelles exigences franco-allemandes portent sur la perte de souveraineté désormais officiellement reconnue !
Les enjeux sont donc énormes, et la gauche européenne a devant elle d’énormes responsabilités, ce qui impliquent évidemment une action résolue et unitaire. En Grèce même, les mobilisations maintenues - vendredi, des milliers devant le parlement à l’appel avant tout d’Antarsya, des anarcho-syndicalistes, de PAME (courant syndical du KKE), de la gauche de Syriza ; dimanche , rassemblement à l’appel d’Antarsya et des syndicats de base - doivent passer à la vitesse supérieure.
C’est le Non massif et résolu qui doit servir de boussole, dans une démarche associant à la base tous les courants de la gauche mais surtout tous les inorganisés, mais sans oublier une démarche demandant à tous les partis de la gauche, qu’elle soit ou pas au gouvernement, de travailler ensemble à une politique de rupture avec l’austérité. Le vétéran Manolis Glezos a appelé au respect du Non massif, pendant que le vieux militant communiste Bitsakis exprime le souhait de rassemblements de centaines de milliers de personnes dans les villes de Grèce.
Plus que jamais, il est clair que c’est la rupture avec l’austérité qui doit être au centre des revendications, avec une dimension européenne, ce qui serait d’ailleurs le meilleur moyen de pouvoir continuer à envisager une zone euro, sur la base de politiques économiques solidaires et non pas basée sur la recherche du profit pour les banques françaises et allemandes ou pour les paradis fiscaux au cœur de l’Europe.
D’Athènes le 13 juillet 2015
A. Sartzekis
19 juillet 2015 à 22:21 dans Economie: sur la crise... et la dette, Europe, L'info que vous n'avez pas | Lien permanent | Commentaires (0)
Tribune publiée le 15 juillet 2015 par Pierre Khalfa, co-président de la Fondation Copernic
« Les propositions de l’Eurogroupe sont de la folie. Cela va au-delà de la sévérité, vers l’envie de vengeance, la destruction totale de la souveraineté nationale et aucun espoir de soulagement. On peut supposer que c’est conçu pour être une proposition que la Grèce ne peut pas accepter, mais, même ainsi, c’est une trahison grotesque de tout ce que le projet européen était censé représenter ». C’est ainsi que le prix Nobel d’économie Paul Krugman a résumé sur son blog les propositions de l’Eurogroupe devenues un accord conclu dans la nuit du 12 au 13 juillet entre la Grèce et les autres gouvernements de la zone euro.
Comment en est-on arrivé là six mois après la large victoire de Syriza et quelques jours à peine après le refus massif par le peuple grec de l’ultimatum des « institutions » ? Ces dernières, utilisant pour cela leur bras armé, la Banque centrale européenne (BCE), ont mis en place une stratégie d’étranglement financier du pays qui a mis le système bancaire au bord de l’effondrement et a abouti à la paralysie économique. Cette stratégie a été mise en œuvre avec l’accord de tous les dirigeants européens, y compris François Hollande. L’objectif unanime des dirigeants européens était d’empêcher un succès du gouvernement Syriza. Il fallait montrer qu’il était impossible de mener une politique alternative en Europe même, et surtout, si elle résultait d’une décision démocratique. Comme l’avait exprimé sans vergogne M. Junker « il ne peut avoir de choix démocratique contre les traités européens ». Les institutions et les gouvernements européens avaient ainsi parfaitement compris l’enjeu de la situation : un succès de Syriza remettrait en cause trente ans de néolibéralisme en Europe et risquerait d’entraîner une contagion dans tout le continent à commencer par l’Espagne avec Podemos.
Pour les plus extrémistes des dirigeants européens, tout, même une sortie de la Grèce de l’euro, serait préférable à ce scénario catastrophe. La question peut ainsi être résumée : le meilleur scénario de capitulation de Syriza doit-il avoir lieu en dehors ou dans le cadre de l’eurozone ? Les dirigeants allemands et leurs satellites ont fini par se convaincre, après l’épisode du référendum, qu’il valait mieux expulser la Grèce de la zone euro, ce qui aurait servi d’exemple à tous les autres pays et permis ainsi de discipliner la zone euro. Les dirigeants français renâclaient au contraire devant cette éventualité au vu des conséquences imprévisibles d’une sortie de la Grèce. Mais, François Hollande et Angela Merckel étaient d’accord sur le fond : le gouvernement grec devait capituler. Le soutien du président français à Alexis Tsipras ressemblait fort à la corde soutenant le pendu.
La question est de savoir pourquoi Alexis Tsipras s’est inscrit dans ce scénario. Syriza a gagné les élections en promettant à la fois d’en finir avec l’austérité et de rester dans l’euro. C’est la combinaison de ces deux positions qui a fait son succès, une grande majorité de grecs étant pour rester dans l’euro malgré la politique de la Troïka. Tenir ce double objectif supposait de chercher un compromis. Mais tout compromis renvoie à des rapports de forces et le gouvernement grec s’est enfermé lui-même dans le cadre de négociations particulièrement déséquilibrées. Rester strictement dans ce cadre ne pouvait mener qu’à la catastrophe. Contrairement à ce qui était préconisé par nombre d’économistes et de responsables politiques, et ce au sein même de Syriza, il s’est refusé à prendre la moindre mesure unilatérale qui lui aurait permis de tenter d’améliorer son rapport de forces [1] car cela aurait pu aboutir à une sortie de l’euro. Il semble qu’in fine l’objectif de rester dans l’euro l’ait emporté sur tous les autres. À partir de ce moment, le gouvernement grec ne pouvait que reculer toujours plus. Toutes les lignes rouges qu’il avait lui-même fixées se sont ainsi effacées les unes après les autres dans la recherche désespérée d’un accord.
Certes une sortie de l’euro n’aurait pas été la solution optimale pour la Grèce. Elle aurait probablement été chaotique au moins à court terme. Mais elle aurait été préférable à un accord humiliant qui met la Grèce sous tutelle. Elle aurait mis en échec le chantage des dirigeants européens et aurait au moins restauré la possibilité pour le peuple grec de prendre son destin en main. La leçon doit être maintenant tirée par tous les mouvements progressistes en Europe. Jamais les « institutions » n’accepteront de voir s’installer dans un pays européen un gouvernement menant une politique qui rompt avec le néolibéralisme. Dans une telle situation, ne pas craindre de sortir de l’euro est la condition de toute politique alternative.
Pour aller plus loin : 1938, Munich - 2015, Berlin, article de Jean-Marie Harribey http://alternatives-economiques.fr/blogs/harribey/2015/07/14/1938-munich-–-2015-berlin/
19 juillet 2015 à 21:42 dans Economie: sur la crise... et la dette, Europe, International | Lien permanent | Commentaires (0)
« En fait, nous sommes déjà sortis de la zone euro », a admis M. Nicos Anastasiades, président de Chypre, un pays où les billets n’ont plus la même valeur qu’en Grèce ou en Allemagne. L’explosion de la monnaie unique aurait-elle commencé ? Contre le scénario du chaos, l’idée d’une sortie de l’euro concertée et organisée fait son chemin.
par Frédéric Lordon, août 2013
http://www.monde-diplomatique.fr/2013/08/LORDON/49561
Beaucoup, notamment à gauche, continuent de croire qu’on va changer l’euro. Qu’on va passer de l’euro austéritaire présent à un euro enfin rénové, progressiste et social. Cela n’arrivera pas. Il suffirait d’évoquer l’absence de tout levier politique en l’état d’incrustation institutionnelle de l’actuelle union monétaire européenne pour s’en faire une première idée. Mais cette impossibilité tient surtout à un argument beaucoup plus fort, qui s’exprime à la manière d’un syllogisme.
Majeure : l’euro actuel procède d’une construction qui a eu pour effet, et même pour intention, de donner toute satisfaction aux marchés de capitaux et d’organiser leur emprise sur les politiques économiques européennes (1). Mineure : tout projet de transformation significative de l’euro est ipso facto un projet de démantèlement du pouvoir des marchés financiers et d’expulsion des investisseurs internationaux du champ de la construction des politiques publiques. Ergo, conclusions : 1. Jamais les marchés ne laisseront s’élaborer tranquillement, sous leurs yeux, un projet qui a pour évidente finalité de leur retirer leur pouvoir disciplinaire ; 2. Sitôt qu’un tel projet commencerait d’acquérir un tant soit peu de consistance politique et de chances d’être mis en œuvre, il se heurterait à un déchaînement de spéculation et à une crise de marché aiguë qui réduiraient à rien le temps d’institutionnalisation d’une construction monétaire alternative, et dont la seule issue, à chaud, serait le retour aux monnaies nationales.
La gauche-qui-continue-d’y-croire n’a donc le choix qu’entre l’impuissance indéfinie… ou bien l’advenue de cela même qu’elle prétend vouloir éviter (le retour aux monnaies nationales), sitôt que son projet de transformation de l’euro commencerait à être pris au sérieux !
Encore faut-il s’entendre sur ce que veut dire ici « la gauche » : certainement pas le Parti socialiste (PS), qui n’entretient plus avec l’idée de gauche que des rapports d’inertie nominale, ni la masse indifférenciée de l’européisme, qui, silencieuse ou béate pendant deux décennies, vient de découvrir les tares de son objet chéri et réalise, effarée, qu’il pourrait bien partir en morceaux.
Mais l’on ne rattrape pas en un instant une aussi longue période de sommeil intellectuel bienheureux. Aussi le concours aux planches de salut s’est-il ouvert avec la douceur d’un réveil en pleine nuit, dans un mélange de légère panique et de totale impréparation.
En vérité, les pauvres idées auxquelles l’européisme raccroche ses derniers espoirs ne sont plus que des mots creux : euro-obligations (ou eurobonds) (lire « “Eurobonds” »), « gouvernement économique » ou, encore mieux, « saut démocratique » — façon François Hollande-Angela Merkel, on voit d’ici l’hymne à la joie —, solutions de carton pour une pensée Potemkine qui, n’ayant jamais rien voulu interroger, risque de ne jamais rien comprendre. Peut-être, d’ailleurs, s’agit-il moins de comprendre que d’admettre. Admettre enfin la singularité de la construction européenne comme gigantesque opération de soustraction politique.
Mais que s’agissait-il de soustraire, au juste ? Ni plus ni moins que la souveraineté populaire. La gauche de droite, comme par hasard européiste forcenée, se reconnaît entre autres à ceci qu’elle a les oreilles qui saignent quand elle entend le mot de souveraineté, immédiatement disqualifié en « isme » : souverainisme. La chose étrange est qu’il ne vient pas un instant à l’esprit de cette « gauche »-là que « souveraineté », d’abord comprise comme souveraineté du peuple, n’est que l’autre nom de la démocratie même. Serait-ce que, disant « démocratie », ces gens-là auraient tout autre chose en tête ?
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17 juillet 2015 à 16:10 dans A lire, Actualité, Economie: sur la crise... et la dette, Europe, International | Lien permanent | Commentaires (0)