Une autre Europe est possible !
Les politiques de l’Union européenne prennent une part déterminante dans la vie quotidienne de nos concitoyen(ne)s. Traités, politiques communes et jurisprudences européennes sont aujourd’hui caractérisés, pour l’essentiel, par la mise en concurrence des systèmes sociaux et fiscaux, la déréglementation des services publics, une politique monétaire sans aucun contrôle démocratique, une politique budgétaire restrictive, une politique agricole sacrifiant l’agriculture paysanne, des politiques sécuritaires notamment vis-à-vis de l’immigration, des traités bilatéraux de libre-échange aggravant l’exploitation des pays du Sud, notamment en matière agricole, une politique extérieure et militaire alignée sur celle de l’OTAN et plus généralement un déficit démocratique. La « concurrence libre et non faussée » joue contre l’emploi, le niveau de vie et les services publics, l’environnement et les ressources naturelles.
Face à ces attaques sans précédent, il s’agit de mettre en avant la primauté des droits, notamment sociaux, pour toutes et tous, face à la concurrence. Il s’agit de nous opposer et de construire des alternatives sociales, écologiques, féministes et démocratiques qui rompent avec les politiques néolibérales actuelles. Nous appelons à construire ensemble un cadre de débats et de mobilisations, qui permette la construction de convergences entre des associations, syndicats, organisations politiques et réseaux qui partagent ces préoccupations et souhaitent travailler ensemble dans le respect de l’indépendance et de la place spécifique de chacun.
La présidence française de l’Union européenne pendant le deuxième semestre 2008 sera une occasion de porter ces exigences et des propositions alternatives. L’ensemble de ces réflexions et ces actions devra à la fois concerner la politique française dans l’Union Européenne et s’inscrire pleinement dans un cadre européen, notamment en lien avec le Forum social européen de Malmö en septembre 2008 et les réseaux qui y sont liés.
Les signataires ci-dessous appellent à agir dans cet esprit, et tout d’abord pendant la présidence française de l’Union européenne. Ils mettent les propositions ci-après en débat et sont disponibles pour tout ce qui permettra, dans la longue durée, la convergence de celles et ceux qui considèrent qu’une autre Europe est possible.
Alter Ekolo, Attac, CGT-Finances, Confédération paysanne, Coordination des collectifs unitaires, Fondation Copernic, Forces Militantes, FSU, La Gauche Cactus, LCR , Les Alternatifs, Les Marches européennes contre le chômage, MARS-Gauche Républicaine, Mémoire des luttes, MRAP, PCOF, Pour la République Sociale, Réseau Féministe « Ruptures », UFAL, Union générale des fédérations de fonctionnaires CGT, Union syndicale Solidaires
Nicolas Sarkozy s’est fixé quatre priorités pour la présidence française de l’Union européenne :
1. Durcir la politique migratoire européenne en développant une politique encore plus restrictive de l’immigration et de l’asile. Le pacte européen sur l’immigration proposé vise notamment à interdire les régularisations massives, à renforcer le contrôle aux frontières, à organiser une politique d’ « immigration choisie » sur la base de quotas professionnels.
2. Assurer la mise en place du plan « climat-énergie » proposé par la Commission européenne, dont les objectifs sont largement critiqués pour leur manque d’ambition, qui inscrit la lutte contre le réchauffement climatique dans une logique de marché et qui vise à promouvoir les agro-carburants, en partie responsables de la crise alimentaire que nous subissons aujourd’hui.
3. Profiter du bilan de la PAC pour achever le démantèlement des outils de régulation des marchés et poursuivre la libéralisation des marchés agricoles à l’échelon international, au détriment de l’agriculture paysanne et des ressources naturelles de tous les pays.
4. Accélérer la mise en place d’une politique de défense européenne agressive intégrée à l’Otan, par la création d’une coopération structurée permanente entre pays qui s’engageraient à augmenter leurs dépenses militaires ; relancer la coopération entre les industries d’armement.
Sur ces quatre points, nous voulons faire valoir des orientations radicalement différentes de celles qui sont annoncées :
1. Une politique de l’immigration respectueuse des femmes et des hommes, fondée sur les droits des migrantes et des migrants : respect du droit d’asile, étendu à toutes les formes de persécution, citoyenneté entière pour tous les résidents avec droit de vote et éligibilité aux élections locales et européennes au même titre que les ressortissant(e)s de l’Union européenne, égalité des droits au travail, au logement et aux soins. Une politique de régularisation des sans-papiers conséquente et cohérente, à l’opposé du cas par cas pratiqué actuellement. Une politique d’immigration s’inscrivant dans le cadre d’une véritable stratégie de co-développement. Ceci implique le retrait du projet de directive sur la rétention et l’expulsion des étrangers et l’abandon du projet de pacte européen sur l’immigration et l’asile proposé par Nicolas Sarkozy.
2. Une politique de l’environnement et du développement tournée vers de nouveaux modes de production et de consommation. Une politique active qui ne cédera pas aux intérêts des multinationales et privilégiera le cadre public pour valoriser immédiatement le développement du transport ferroviaire et de la voie d’eau, la sécurité maritime, l’essor des énergies alternatives renouvelables, les économies renforcées d’énergie, la protection des milieux naturels et l’amélioration des cadres de vie.
3. En matière agricole, la France doit proposer une politique tournant le dos aux logiques purement productivistes et exportatrices et favoriser le développement d’une agriculture paysanne qui garantisse aux agriculteurs un revenu décent, fonction non plus de la taille de leur exploitation mais de la qualité de leur production et du respect de l’environnement. Elle doit inciter à l’abandon des subventions à l’exportation et à la maîtrise des volumes de production, le tout en relation avec une transformation profonde des relations commerciales internationales et avec la reconnaissance du droit de chaque État à garantir sa souveraineté alimentaire. Elle doit agir en faveur d’un moratoire sur toutes les cultures en plein champ d’OGM et impulser l’organisation d’un vrai débat citoyen sur ce thème.
4. Une politique étrangère et de défense fondée sur la priorité du désarmement et de la paix. L’Union doit agir notamment pour que s’exerce la pleine souveraineté du peuple irakien et pour la paix au Moyen Orient, ce qui suppose la reconnaissance et la mise en œuvre du droit imprescriptible du peuple palestinien à disposer d’un État indépendant, souverain et viable à coté d’Israël. L’Union doit s’opposer à la politique agressive des États-Unis. La défense européenne ne saurait être sous tutelle de l’OTAN.
Notre priorité : l’Europe sociale
Pour nous, l’Europe doit d’abord servir à améliorer la vie quotidienne, à combattre le chômage, à protéger l’environnement, à faire reculer les inégalités et les injustices. Cela suppose une Europe fondée sur la coopération et la solidarité entre les peuples ; une Europe qui s’oppose à la toute puissance des firmes transnationales, des marchés financiers et de la spéculation internationale ; une Europe où le respect de la subsidiarité, selon lequel l’Union ne doit prendre en charge que ce que les États ne peuvent ou ne veulent pas faire, fondera sur d’autres bases le rapport entre les États et l’Union.
Au lieu de cela, l’Europe d’aujourd’hui est fondée sur la concurrence généralisée, le tous contre tous, les délocalisations, la baisse de l’impôt sur les profits, la mise à mal des services publics. Au lieu de l’Europe au service des peuples, on nous impose une Europe au service des puissances de l’argent.
Profondément antidémocratiques, les institutions de l’Union européenne favorisent cette logique et tout est fait pour empêcher les citoyens de décider, à l’instar du véritable hold-up réalisé par Sarkozy en faisant ratifier par le Parlement un nouveau traité européen, copie conforme pour l’essentiel du Traité constitutionnel massivement rejeté par les Français en 2005.
Nous pensons pourtant qu’il est aujourd’hui possible d’aboutir à un autre fonctionnement des institutions européennes. Cela suppose : de donner des pouvoirs réels aux citoyennes et aux citoyens, qui doivent décider eux-mêmes, à tout moment, du type d’Europe qu’ils veulent construire ensemble ; d’élargir les procédures de contrôle et d’intervention ; de préciser les compétences de chacun en respectant le principe de subsidiarité.
Nous voulons que la présidence française soit l’occasion de faire entendre la voix d’une autre Europe et d’affirmer la vocation sociale de l’Union européenne en mettant en avant 4 grandes priorités :
1 – Un emploi pour toutes et tous
Cela implique l’adoption d’un certain nombre de mesures concrètes : 1.1 - Une loi européenne doit fixer l’objectif d’une baisse généralisée du temps de travail. La cible doit être une Europe des 35 heures, sans baisse de salaire et avec des embauches correspondantes. La mise en œuvre de cette réduction du temps de travail doit impliquer les salariés eux-mêmes, à travers leurs organisations syndicales qui doivent disposer d’un droit de veto en matière de durée et d’organisation du travail. Le projet de la Commission européenne d’une modification de la directive sur le temps de travail, qui permet une flexibilité des horaires de travail allant jusqu’à des semaines de 65 heures et qui a obtenu l’appui décisif du gouvernement français, doit évidemment être refusé (en France, c’est en 1906 que la durée maximale de travail a été fixée à 60 heures ! ).
1.2 - L’effectivité du droit au travail doit être garantie par l’interdiction des licenciements dans les entreprises qui font des profits, la création d’un statut du salariat assurant une réelle sécurité sociale professionnelle, le développement d’une formation professionnelle accessible à tous et l’affirmation du contrat à durée indéterminé comme cadre référent des contrats de travail.
1.3 - La mise en œuvre, sous maîtrise publique et sous contrôle des citoyens, de plans de développement des infrastructures européennes et d’ activités socialement utiles et respectueuses de l’environnement : réseaux ferroviaires, canaux, « société de l’information », économies d’énergie, développement des énergies renouvelables, etc. Ceci contribuera à résorption du chômage tout en favorisant un nouveau type de développement. De tels plans ont déjà été étudiés et chiffrés. Leur financement devrait être assuré par la BEI (Banque européenne d’investissement).
2 – Des conditions de vie décentes
2.1 - l’Union européenne doit mettre en place des critères de convergence sociaux visant à réduire les inégalités en améliorant la situation des pays les plus pauvres et en stimulant une harmonisation vers le haut des conditions sociales. C’est aussi un moyen de rendre inopérantes les stratégies de dumping social.
2.2 - Une loi européenne doit rendre obligatoire l’existence d’un salaire minimum dans tous les États membres. Pour tenir compte des différences de niveau économique entre les pays, ce salaire minimum, dans un premier temps, pourrait être calculé en pourcentage du PIB (produit intérieur brut) par habitant. Des normes communes de salaires, de pensions et de revenus doivent également être fixées, tenant compte du degré de développement et des acquis de chaque pays, de manière à résorber les inégalités et à aboutir le plus rapidement possible à l’alignement du pouvoir d’achat des salariés de l’ensemble de l’Union européenne sur les pays où il est le plus élevé. De façon plus générale, il faut promouvoir un nouveau partage des richesses en favorisant la croissance des revenus du travail, dont la part dans la valeur ajoutée a fortement baissé au cours des dernières année au profit des revenus du capital.
2.3 – L’Union doit garantir pour tous ses habitants le droit à une protection sociale de haut niveau. Le droit à la santé doit devenir une réalité effective et l’Union doit garantir l’accès aux soins pour toutes et tous. L’accroissement du nombre de personnes âgées ne doit pas se traduire par un relèvement de l’âge de départ à la retraite, ni par une baisse des pensions. L’Union doit assurer la préservation et l’extension des systèmes de protection sociale reposant sur une logique publique et solidaire, dans leur fonctionnement et leur financement, face aux attaques visant à en faire des produits marchands et individuels.
2.4 - Le Parlement européen et le Conseil des ministres doivent réaffirmer le principe selon lequel les travailleurs détachés par leur entreprise d’un pays dans un autre doivent bénéficier du droit du travail du pays d’accueil lorsqu’il est plus favorable.
2.5 - Le principe de non-régression doit être affirmé afin de garantir que la poursuite de l’intégration économique ne pourra plus aboutir à remettre en cause les droits reconnus aux travailleurs par telle ou telle législation nationale.
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