Publié le 1er novembre 2008
La faillite des politiques libérales et sociales-libérales et
l’intensité de la crise présente et à venir, offrent la possibilité de
voir émerger une force politique en prise réelle avec les
préoccupations, les aspirations de l’immense majorité des salariés, des
précaires … pour construire avec eux une véritable alternative au
système capitaliste. Mais, s’il existe un espace politique et social
pour que se déploie une telle « force », bien des obstacles restent à
surmonter. Ce sont, ici, quelques uns d’entre eux que l’on voudrait
souligner et que l’on peut globalement caractériser de tentation
néo-sociale-démocrate. Mais, avant d’examiner certaines positions qui,
à « Gauche de la Gauche », correspondent, à mon sens, à cette
tentative, encore faut-il préalablement, tracer quelques pistes qui en
démontrent, en contre point, l’obsolescence au regard d’une politique
réelle d’émancipation.
I.Présidence française
I.1 Sarkozy enregistre un certain succès d ?opinion pour son activisme sur la crise financière. Il avait aussi réussi à donner l’impression d’agir dans le conflit entre la Russie et la Géorgie. Cela ne doit pas nous empêcher de tirer quelques enseignements.
Le conflit russo-géorgien
Les médias et les partisans de l ?actuelle construction européenne ont salué l’action européenne dans le conflit entre la Georgie et la Russie. Certains y ont même vu une avancée décisive d’une diplomatie européenne. Pourtant la position commune adoptée était à minima : demander à la Russie de retirer ses troupes. Et l’intervention a été purement formelle : le gouvernement russe n’avait pas l’intention d’annexer la Géorgie et il maintient ses troupes dans les deux enclaves contestées. Il peut difficilement en être autrement en l’état actuel de l’Union. J. Solana, haut représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune, était totalement passé sous la table lors des prises de position sur l’intervention américaine en Irak. La diplomatie est un pouvoir régalien essentiel sur lequel les Etats gardent la haute main quelles que soient les proclamations et le nom que l’on donne à une pseudo ministre européen des affaires étrangères. En ce qui concerne nos positions, je pense que nous devons affirmer être favorables à une diplomatie et une défense européennes, mais nous les refusons tant qu’il n ?existe pas un pouvoir politique européen démocratiquement contrôlé pour les conduire. L’Union a déjà engendré la Banque centrale européenne, indépendante et toute puissante. Nous devons combattre la monstruosité que constitue l’émergence de pouvoirs européens technocratiques ( voir mon Manifeste pour une autre Europe).
Notre réponse à cette contradiction doit être, selon moi, la refondation de la construction européenne et la construction d ?un pouvoir politique européen au travers d’un processus constituant permettant de vérifier quels sont les peuples prêts à rompre avec l ?Europe libérale et à s ?engager sur la voie d’une Europe politique, sociale et écologique (voir sur ce point les échanges avec D. Taddéi). Cette proposition de processus constituant a présente en outre l’avantage de montrer la conception (ou la résignation) fondamentalement anti-démocratique des tenants de l’actuelle construction européenne. Rocard a ainsi conclu le débat que nous avons eu sur FR 3 : « jamais les gouvernements n’accepteront de consulter les peuples » !
L’Union pour la Méditerranée
L’Union pour la Méditerranée, complétée par le Pacte européen pour l’immigration, est un projet très important qui ne vise pas seulement la question de l ?immigration. Il s’agit de consolider un hinterland pour les pays développés d’Europe. Ceux-ci en sont déjà constitué un avec l’élargissement massif de l’UE aux pays d ?Europe centrale. Mais la grève de Renault-Dacia montre que, malgré les difficultés, les différences de salaires et de législation sociale peuvent tendre à se réduire. Il leur importe donc de contrôler une autre zone garantissant au au capital des possibilités d’exploitation avantageuses. Jouyet a très bien résumé l’opération : « les entreprises ont pleinement conscience des opportunités considérables que recèle le bassin méditerranéen pour l’Europe en termes d’émergence de nouveaux marchés et de partenariats économiques à long terme » (Courrier du Grand Paris, octobre 2008). C’est l’aspect principal.
Après l’élargissement de l ?UE, la constitution de l’Union pour la Méditerranée est aussi un instrument de pression sur les salariés des pays développées d’Europe : « nous disposons de zones de délocalisation ». L’immigration n’est qu ?une dimension de l’entreprise. Malgré l’aspect « agitation politique » des gouvernements (« nous agissons contre l’immigration ») il ne s’agit pas, comme on l’entend parfois, de stopper celle-ci. Le capital a besoin d’elle. Les gouvernements se font même peu d’illusion sur la possibilité de la contrôler. L’idéal serait bien sûr celui explicité par Sarkozy : n’avoir que l’immigration utile. Le pacte en préparation veut donc durcir les conditions de regroupement familial, par exemple, avec l’aide des gouvernements des pays d’émigration. Mais si les Etats développés ne réussissent pas à stopper l’immigration clandestine, comment croire que des gouvernements faibles le pourront ?
Les gouvernements de nos pays veulent tenter de contrôler un peu plus les flux mais surtout envoyer un message de précarité accrue aux immigrés pour renforcer encore leur soumission et l ?acceptation de situations de travail et de vie dégradées.
La crise
La réaction à la crise financière est une limpide illustration du caractère fondamentalement intergouvernemental l’Union européenne. Le plan de 1700 milliards d ?euros a été adopté par les gouvernements, au terme d’une confrontation entre eux, avec une disparition totale de la commission et même de la banque centrale européenne (BCE), sans parler du parlement. Le pacte de stabilité a été mis de côté de même que le contrôle des aides publiques aux entreprises (pour ce qui concerne les banques). Il faut rappeler la responsabilité des politiques libérales nationales-européennes dans cette crise : libéralisation des mouvements de capitaux mondiaux (réaffirmée dans le traité de Lisbonne), libéralisation du système financier et incitation à faire sauter les cloisonnements antérieurs : banque/assurance ; banque d’affaire/banque de dépôt , renforcement de l ?emprise du système financier sur l’économie par la restriction des aides publiques aux entreprises et les libéralisations-privatisations d’entreprises publiques, etc. Ce n’est pas ici le lieu de détailler nos réponses. Rappelons quelques propositions essentielles à dimension européenne. Utiliser les milliards pour un plan de dépenses socialement et écologiquement utiles et pour construire un pôle financier public fort aux niveaux national et européen ; interdire les paradis fiscaux ; supprimer l’interdiction de limiter la libre circulation du capital ; remettre en cause le pacte de stabilité, les statuts et la politique de la banque centrale européenne. Pour la remise en cause plus générale de l’Europe libérale, on peut se reporter à la partie Europe de la charte des collectifs du 29 mai, aux 125 propositions et au 4 pages unitaire, pour ce qui nous a impliqué directement.
I.2 Nous n’avons pas réussi à faire de la présidence française le support d’une importante activité sur les questions européennes. Certaines initiatives nationales ont connu un certain succès relatif, limité aux militants : les journées sur la PAC à Annecy en septembre ont réuni 3000 personnes. RESF appelle à un rassemblement les 3 et 4 novembre à Vichy lieu de la réunion des ministres européens pour adopter le pacte sur l ?immigration au succès duquel nous devons contribuer. Mais il n’y a eu quasiment pas d’initiatives dans les villes et cela facilite l’entreprise de Sarkozy. Faute de réunions publiques, avons-nous diffusé avec d’autres forces le 4 pages unitaire, sommes-nous intervenus sur les marchés, etc. ?
Malgré cet échec nous tentons de sauver l’honneur avec la journée du 6 décembre. Le 22/10, nous avons tenu une réunion du collectif pour une autre Europe élargie à des organisations venues discutées du 6. Etaient présents : la CGT finances, Attac, la confédération paysanne, Copernic, le Groupe PAC 2013, Solidaires, les marches européennes, le MNCP (chômeurs), les Collectifs unitaires, les Alternatifs, Alter Ekolo, LCR, PCF, PRS. Les choses ont commencé à se préciser. La journée se déroulera en deux parties : débats le matin, marche l’après-midi. La matinée (10h-13h) sera consacrée à quatre ateliers pendant deux heures : questions économiques et sociales ; questions écologiques et climatiques ; démocratie et institutions européennes ; les relations avec le reste du monde (migrations, questions alimentaires, paix, etc. Puis ¾ h en plénière avec peu d’interventions. A partir de 14h30, départ pour une « marche pour une autre Europe » qui rejoindra la marche des chômeurs prévue à 13h. Nous cherchons évidemment à donner une (petite) dimension européenne à cette journée. Mais nous n’avons pas pu la faire retenir comme journée de convergence européenne au FSE. Inutile de souligner qu’il serait important que cette journée soit un succès. Il apparaît que des initiatives locales sont en discussion à cette date, notamment sur le thème du climat. Il faut tenter de convaincre le plus largement possible de l ?importance du rassemblement à Paris.
II. Elections européennes
Jusqu ?à récemment notre proposition de listes unitaires se heurtait au silence des forces concernées. Toutefois, la bataille que nous menons sur ce sujet a produit quelques effets et la situation est en train de changer. Nous avons pesé pour que la question soit prise en charge par la réunion nationale autour de l’appel Politis. Nous avons accepté la proposition qui faisait consensus d’une lettre à toutes les forces du Non de gauche. Politis a envoyé ce courrier et rend publique la démarche.
Où en sont les différentes forces politiques à gauche ? Il est trop tôt pour connaître la tonalité du discours que le PS produira sur l’Europe. Le regroupement « écologiste » a publié son manifeste sur lequel il faudra revenir. Disons seulement ici qu’il confirme ce qui était prévu : le capitalisme n’existe pas et « l ’Union européenne, malgré les aléas ( !) de sa construction et des pratiques souvent technocratiques ( ?) est un formidable acquis ». Le comité national du PCF vient d’adopter une résolution. La LCR n’a rien rendu public mais a produit une contribution interne au NPA. La gauche du PS qui avait milité en faveur du Non est dans la préparation du congrès et ne dit rien de spécifique.
La résolution du PC énonce trois exigences : « promouvoir des idées réellement transformatrices ; réaliser autour d’elles le rassemblement le plus large possible ; donner à la campagne une forte dimension européenne ». Sur les idées, « il s’agit de dégager quelques axes rompant avec les dispositions des traités que nous avons combattues en 2005 » : concurrence, libre circulation des capitaux, libéralisation des services publics, BCE. Quelques propositions alternatives sont esquissées. La « réponse aux défis écologiques » figure dans cette esquisse, mais sans traduction ; la « dynamique démocratique » n’évoque pas un processus de remplacement des traités en vigueur et semble entériner une partie de l’architecture institutionnelle actuelle, notamment l’existence de la commission ; la partie internationale n’évoque pas la question de l’OTAN.
Le texte accepte « des formes de consultation et de co-élaboration publiques de ces grands axes avec celles et ceux qui s’inscrivent dans ces objectifs ». En ce qui concerne le rassemblement, le PC « prend l’initiative de lancer un appel aux forces politiques et sociales, aux femmes et aux hommes représentatifs des courants politiques progressistes, comme du mouvement syndical, social et associatif, dans toute leur diversité ». La prétention à l’initiative fait sourire. Le retour au vocabulaire flou des « forces progressistes » n’est pas de bon aloi, alors qu’il n ?est nulle part fait référence aux forces du Non. Enfin, le PC réclame au minimum qu’on lui réserve les deux circonscriptions dans lesquelles il a aujourd’hui des députés. Ce texte est une évolution importante par rapport aux déclarations antérieures prônant des listes du PC ouvertes à des personnalités. La direction du PC semble prendre en compte le risque de n’avoir plus aucun député européen.
La contribution de la LCR propose « un plan d’urgence pour l’Europe » évidemment discutable mais ne soulevant pas de problème insoluble et « la mise en place d’une assemblée constituante » (pomme de discorde, nous le savons) dans laquelle la LCR défendrait une « libre fédération d’Etats-Unis socialistes d ?Europe » ( ce qui est bien son droit). La suite cherche des thèmes de démarcation : « nous voulons défendre un projet anticapitaliste ? Nous réaffirmerons notre indépendance par rapport aux partis sociaux-démocrates et à leurs alliés ? » Enfin, « Sur la base de ce plan d’urgence pour l’Europe, nous sommes ouverts à toutes les discussions envisageant de constituer des listes communes aux élections européennes, en France, et nous proposerons à toutes les forces anticapitalistes, en Europe, une discussion qui étudie la possibilité d’une apparition commune lors de ces élections ». On ne sait donc pas bien si le plan d’urgence est discutable ni si les références à l’anti-capitalisme et à l’indépendance vis à vis des « sociaux-démocrates » seront une caractéristique de la position du NPA ou des listes communes. Répétons que ce texte n’est ni définitif ni public. Il est intéressant pour nos réflexions et ne doit pas être utilisé dans les débats extérieurs.
Il ressort de tout cela que nous ne savons pas ce que sont les intentions exactes de ces organisations. Nous ne fondons pas notre position sur des pronostics et défendons publiquement notre proposition. Nous verrons ce que donnent la démarche de Politis où « l’initiative » du PC. Toutefois, nous ne nous en remettons pas aux éventuelles rencontres nationales.
L ?action locale pour des listes unitaires doit être intensifiée. Il est certain que la faiblesse de l’activité commune sur la présidence française ne facilite pas les choses. Mais rien n’est fermé. La démarche nationale issue de la journée du 11 octobre doit être relayée partout. Nous devons proposer des rencontres, sous toutes les formes, avec les organisations. Nous devons partout défendre publiquement la nécessité de listes unitaires, rechercher la discussion avec les responsables et les adhérents des diverses forces, contacter les personnes susceptibles de s ?investir dans cette bataille. Lorsque nous avons des partenaires nous pouvons envisager, après le 6 décembre, des réunions publiques et des pétitions publiques du type de celle initiée par les camarades de Nancy.
Conclusion provisoire :
réussir le 6 décembre à Paris
intensifier localement la bataille pour les liste unitaires
informez de ce que vous faites.
Commentaires