COMMUNIQUÉ CRIIRAD
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Mercredi 3 décembre 2014 – 16 h
V3 – avec correctif et compléments du
4/12/2014 – 11h.
ACCIDENT NUCLEAIRE EN UKRAINE :
Des déclarations rassurantes mais peu étayées
· Accident ou incident ?
Les autorités ukrainiennes ont annoncé ce jour, 3 décembre, qu’un accident s’était produit
vendredi 28 novembre, à 19h24, sur le réacteur n°3 de la centrale nucléaire de Zaporijia. La production est totalement arrêtée depuis lors mais les autorités ukrainiennes se veulent très rassurantes : l’accident ne concernerait pas le réacteur et serait dû à un « simple » court-circuit dans un transformateur électrique. Il n’y aurait eu aucun rejet de produits radioactifs dans l’environnement et aucune menace de rejet. La production devrait reprendre dès vendredi prochain 5 décembre.
A lire les dépêches, on peut même se demander pourquoi le terme d’accident a été utilisé (à moins qu’il ne s’agisse d’un problème de traduction ou d’une amplification médiatique).
Quoiqu’il en soit, l’important est que, 5 jours plus tard, aucune information exploitable n’a été communiquée : on ne sait pratiquement rien, ni des circonstances, ni de l’origine ou du
déroulement. Il est donc impossible d’émettre la moindre appréciation sur ce qui s’est passé. Rappelons que dans une centrale nucléaire, des dysfonctionnements apparemment mineurs et concernant des équipements extérieurs au coeur du réacteur, peuvent être à l’origine de séquences débouchant sur un accident grave.
Mise à jour du 4/12/2014.
L’organisme officiel “State Nuclear Regulatory Inspectorate of Ukraine” a mis en ligne sur son site web, le 3 décembre, un texte en anglais que nous traduisons librement ci-après :
«L’Unité 3 de la centrale de Zaporizhzhya a été déconnectée du réseau électrique le 28 novembre 2014 à 19H24. Selon les informations préliminaires disponibles ce phénomène est lié au défaut d’un équipement électrique dans le bâtiment de la turbine. A la date du 3 décembre 2014 le réacteur reste en « arrêt à froid ». Selon les évaluations préliminaires cette situation entre dans la catégorie « 0 » (pas d’impact sur la Sûreté) de l’échelle INES.../...La situation radiologique sur le site de la centrale reste dans les limites des conditions normales de fonctionnement, les dispositifs de protection physique
fonctionnent normalement ».
http://www.snrc.gov.ua/nuclear/en/publish/article/262451;jsessionid=7329851B65EBB54FFBB653FE006EEA82.app1
Ce même organisme renvoie également à un tableau indiquant le débit de dose ambiant sur le site de la centrale. Les valeurs disponibles (une seule par jour !) sont normales : 11 μR/heure. Le microRöntgen par heure est une ancienne unité de mesure. Une valeur de 11 μR/heure correspond effectivement au niveau de base de la radioactivité naturelle. A titre de comparaison, ce site officiel indique, au niveau de la centrale de Tchernobyl, une radioactivité nettement supérieure de 230 μR/h (le 3 décembre 2014). Ce dernier chiffre nous rappelle que l’environnement à Tchernobyl reste gravement contaminé.
http://www.snrc.gov.ua/nuclear/en/publish/article/262391
www.criirad.org et http://balises.criirad.org
Communiqué CRIIRAD ZAPORIJIA – UKRAINE 2/4
· Résultat des vérifications conduites par le laboratoire de la CRIIRAD
La CRIIRAD exploite un réseau de balises de surveillance en temps réel de la radioactivité de l’air implantées en Ardèche, Drôme, Isère et Vaucluse ainsi que des stations de contrôle en continu du débit de dose ambiant. Sur toute la période considérée, du 28 novembre à ce jour 3 décembre, aucune élévation anormale du niveau de rayonnement n’a été enregistrée.
L’équipe d’astreinte du laboratoire de la CRIIRAD a également examiné les données de surveillance de la radioactivité ambiante fournies par les réseaux officiels d’un certain nombre de pays européens situés entre l’Ukraine et la France : Allemagne, Autriche, Suisse, Grèce (et contrôle préliminaire sur la Russie). Aucune anomalie n’a été détectée : les données consultées ne mettent pas en évidence de résultats atypiques par rapport aux fluctuations de la radioactivité naturelle.
Réseau Allemand : la carte des mesures de débit de dose gamma ambiant sur l’ensemble du pays du 1 au 2 décembre 2014 ne montre pas de valeurs atypiques. La consultation des évolutions temporelles du 27 novembre au 3 décembre sur une sélection de 6 stations ne montre pas d’évolutions anormales du débit de dose.
Réseau Autrichien : les mesures de débit de dose gamma ambiant sur l’ensemble du pays le 3 décembre ne montrent pas de valeurs atypiques (maximum 0,163 μSv/h)
Réseau Grec : La carte des mesures de débit de dose gamma ambiant du 3 décembre ne montre aucune anomalie. L’examen des graphiques de données du 27 novembre au 3 décembre sur une sélection de 3 sites ne révèle aucune évolution anormale.
Réseau Suisse : La carte des mesures de débit de dose gamma ambiant sur l’ensemble du pays (63 stations), actualisée au 2 décembre ne montre pas de valeurs moyennes journalières atypiques. La consultation des données du 1 au 3 décembre sur la station qui présente les valeurs maximales n’indique pas de valeurs sortant de l’éventail des valeurs usuelles.
· Pour rappel : de l’Ukraine à la France
En 1986, les rejets massifs de radioactivité s’étaient poursuivis 10 jours durant, du 26 avril au 5 mai. Les masses d’air contaminées en provenance de l’Ukraine arrivèrent sur la France le 29 avril (l’exploitation ultérieure des mesures a révélé une forte augmentation de la radioactivité dans la Meuse et dans le Gard). Le 1er mai, le « nuage » de Tchernobyl recouvrait la totalité du territoire. Les vents avaient d’abord poussé la contamination vers le Nord, vers la Finlande et la Norvège.
En cas de configurations météorologiques plus défavorables, la France pourrait être affectée dans des délais nettement plus courts. L’analyse des plans de gestion de crise montre que cette réalité n’a toujours pas été intégrée par les autorités françaises.
· Les obligations d’information
On pourrait s’étonner du délai de 5 jours entre la survenue de l’accident et la publication de l’information. L’Ukraine fait en effet partie des Etats signataires de la convention sur la notification rapide d’un accident nucléaire, convention établie au lendemain de l’accident de Tchernobyl, en réaction contre le silence des autorités soviétiques.
Rappelons toutefois que les termes de la convention définissent des conditions qui sont autant de moyens d’échapper aux obligations de notification, même en cas de véritable accident : l’Etat où survient l’accident n’a l’obligation d’informer sans délai l’AIEA et les pays susceptibles d’être affectés que lorsque l’accident entraîne ou entrainera probablement un rejet de matières radioactives, que ce rejet ait franchi ou puisse franchir les frontières et soit susceptible d’avoir de l’importance du point de vue de la sûreté radiologique pour un autre Etat. Si l’une des conditions n’est pas respectée (si par
exemple les autorités jugent le rejet possible mais pas « probable »), elles ne sont pas tenues d’informer l’AIEA ou tout autre Etat. De même, un rejet avéré et transfrontalier mais jugé « sans importance du point de vue de la sûreté radiologique n’obligerait pas à notification.
Communiqué CRIIRAD ZAPORIJIA – UKRAINE 3/4
· Les réacteurs nucléaires en Ukraine
Carte : http://www.insc.gov.ua/nindex.html
En 2014, 15 réacteurs électronucléaires sont en exploitation, répartis sur 4 sites :
- Rovno / Rivne (4 réacteurs)
- Khmelnistky / Khmelnitskiy (2 réacteurs) ;
- Sud Ukraine / South Ukraine (3 réacteurs)
- Zaporijia / Zaporizhzhie (6 réacteurs).
A cela, s’ajoutent 2 réacteurs de recherche, l’un à Kiev (Kyiv), le second à Sébastopol, en Crimée. La mise en service de 2 réacteurs supplémentaires sur la centrale de Khmelnitskiy est envisagée pour 2015-2016 (mais il s’agit d’un projet ancien longtemps mis en sommeil).
La centrale nucléaire de Tchernobyl (Chornobyl sur la carte) ne produit plus d’électricité (seulement des déchets radioactifs) : le réacteur numéro 4 a explosé le 26 avril 1986. Les 3 autres réacteurs avaient été remis en fonctionnement en fin d’année 86, en dépit des niveaux de contamination et des risques. Gravement accidenté en octobre 19911, le réacteur n°2 n’a jamais été réparé. Le réacteur n°1 a été définitivement arrêté en novembre 1996, le réacteur n° 3 en décembre 2000.
Le tableau récapitulatif présenté page suivante est basé, pour l’essentiel, sur les données recensées par l’AIEA : https://cnpp.iaea.org/pages/index.htm
1 Correctif : Le 11 octobre 1991 (et non pas 2011), « En octobre 2011, un deuxième désastre a été évité de justesse à Tchernobyl. Un incendie s'est déclaré sur le site du réacteur n°2, ce qui a entraîné une accélération incontrôlable de la turbine. Les vibrations étaient telles qu'elles ont provoqué l'effondrement du toit, causant des dégâts dans
les pompes d'alimentation hydraulique. N'étant plus refroidi, le coeur du réacteur est entré en surchauffe. Les ingénieurs présents ont improvisé et réussi à installer une pompe à basse pression, injectant ainsi du liquide de refroidissement dans le réacteur, ce qui a mis un terme à l'incident ».
Source : http://www.dissident-media.org/infonucleaire/tcherno_11octobre1991.html
Communiqué CRIIRAD ZAPORIJIA – UKRAINE 4/4
Situation du parc électronucléaire ukrainien (2014)
5 des 15 réacteurs en fonctionnement ont 30 ans, ou plus, de fonctionnement. La vétusté n’est que l’un des nombreux facteurs de risque : le réacteur de Tchernobyl était connecté eu réseau depuis moins de 3 ans quand il a explosé.
Conflit russo-ukrainien : quelles conséquences sur la sécurité des sites nucléaires ukrainiens et des transports de matières radioactives ?
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Source iconographique : 20minutes.fr- avril 2014
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