Auteurs : Bruno Della Sudda, Patrick Silberstein et Romain Testoris | 20 Nov 2017
1917 Dans un monde où les empires imposent la barbarie coloniale et exploiteuse à des centaines de millions d’indigènes, un coup de tonnerre éclate aux confins d’une Europe continentale lacérée de tranchées sanglantes. La Révolution russe qui jaillit soulève les consciences humaines. Une brèche s’ouvre. En Russie, ouvriers, paysans et soldats montent à l’assaut du ciel et déferle, pour un temps, l’invention d’une autre vie qui bouillonne dans toutes les veines de la société. Pour les opprimé·es et les exploité·es du monde entier, un espoir est né et il faut encore saisir à la fois ce moment d’émancipation, dans toutes ses couleurs, et sa destruction en quelques années, trahi, défiguré, piétiné par la contre-révolution stalinienne.
1968 Il y a cinquante ans, les tambours de guerre du FNL vietnamien annonçaient une incroyable nouvelle : les envahisseurs n’étaient pas invincibles. Partout, ou presque, les campus s’enflammaient, l’insubordination ouvrière se répandait comme une traînée de poudre, le vieux monde était bousculé, Paris, Mexico, Berlin, Berkeley, Turin et Prague ne faisaient plus qu’un. La jeunesse, celle des facs et celle des usines, secouait la vieille société, les hiérarchies, les pouvoirs de droit divin, la propriété inaliénable, les bureaucraties prédatrices et liberticides. Les murs prenaient la parole et les barricades ouvraient des voies insoupçonnées. Désordre climatique dans le monde de Yalta, le cycle des saisons en fut perturbé. Le printemps fut tchécoslovaque et, en France, Mai dura jusqu’en juin. En Italie, Mai fut rampant et l’automne chaud. Dans les années qui suivirent, tout avait semblé possible à Santiago-du-Chili et Le Portugal se couvrit d’œillets. Le fond de l’air était rouge et le souffle long de l’insoumission mit à mal la propriété privée des moyens de production, la morale établie, les rapports sociaux sexués et les partis uniques. Il y eut de la contestation et de la subversion, des grèves et des conseils ouvriers, des expropriations et de l’autogestion, des livrets militaires brûlés, des batailles pour les droits civiques, l’émergence nouvelle de l’écologie et, à une échelle inconnue jusque-là, du féminisme. Les libertés inabouties ou trahies étaient à portée de main et la chienlit éclaboussait les pères fouettards et les gardes-chiourmes. Le monde pouvait changer de base : il était désormais possible de se réapproprier le contrôle des mécanismes de la vie en société. La démocratie ne devait plus s’arrêter ni à la porte des entreprises ni aux frontières.
2017 Le monde a changé. Il est aujourd’hui lourd de périls et le fond de l’air est sombre. Mais il change sans cesse et ce qui était possible et nécessaire il y a un demi-siècle l’est encore plus aujourd’hui.
Ces 68 thèses n’ont d’autre objectif que d’être soumises à la réflexion de celles et ceux qui veulent que s’ouvre une large discussion pour faire de la révolution une utopie concrète.
1. La crise du système capitaliste, parce qu’elle est globale, économique, sociale, écologique, civilisationnelle, parce qu’elle semble sans issue et parce qu’elle prend avec d’un côté le libéralisme débridé et de l’autre, le terrorisme et le post ou le néofascisme, une dimension barbare, menace non seulement les conditions de vie des populations, mais la possibilité même de vivre en commun sur une planète aux ressources limitées.
2. L’aggravation des inégalités, la persistance des discriminations et l’absence d’horizon émancipateur alimentent la terreur pratiquée par Al Qaida puis Daesh. Il s’agit d’un phénomène contre-révolutionnaire, inédit par son ampleur et ses caractéristiques, mettant en péril l’aspiration majoritaire au « vivre ensemble » et nécessitant une riposte internationale, sous l’autorité d’une ONU refondée et radicalement transformée.