TRANSPORTS DE SUBSTANCES RADIOACTIVES :
LA POPULATION EST EXPOSÉE, LE RISQUE N’EST PAS ÉVALUÉ
La CRIIRAD publie les résultats d’une enquête préliminaire sur le transport de substances radioactives en Rhône-Alpes
Le contexte
Chaque année, en France, plusieurs centaines de milliers de colis de substances radioactives sont transportés par route, rail, air ou mer. La région Rhône-Alpes est particulièrement concernée : selon l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN), 135 000 colis par an y seraient expédiés ou réceptionnés, dont 28% pour l’industrie nucléaire contre 15% au niveau national.
La population est exposée
Il suffit d’emprunter l’autoroute A7 ou de se rendre en gare de Valence-Ville pour le constater : des convois de substances radioactives traversent l’espace public.
Les campagnes de mesures menées par le laboratoire de la CRIIRAD depuis plus de 15 ans le montrent : même en situation courante, ces transports peuvent entraîner une exposition du public à la radioactivité, à des niveaux non négligeable voire supérieurs aux limites sanitaires. Ceci est rendu possible par le fait qu’il existe une incompatibilité entre les normes sanitaires générales et la réglementation « transports . Alors que le public ne devrait pas être exposé à plus d’1 milliSievert (mSv) par an toutes activités confondues, la réglementation relative aux transports de substances radioactive autorise, en terme d’irradiation externe 2, un débit de dose pouvant atteindre 2 mSv par heure au contact et 0,1 mSv par heure à 2 mètres des véhicules transportant les colis.
Le risque n’est pas évalué
Partant de ce constat, une évaluation précise de l’exposition du public est indispensable. Cela fait d’ailleurs partie des obligations de l’Etat, qui doit évaluer l’impact de l’ensemble des activités nucléaires sur l’exposition de la population aux rayonnements ionisants. Pourtant, s’agissant des transports de substances radioactives, force est de constater que cette mission n’est pas remplie.
De plus, la question des transports de substances radioactives est soumise à une telle opacité que les moyens de vérification des organismes indépendants sont très limités. La CRIIRAD en a fait l’expérience avec les réponses (ou parfois les absences de réponses) au questionnaire qu’elle a adressé aux exploitants des installations nucléaires de base (INB) de Rhône-Alpes.
Comment améliorer la situation ?
Il est indispensable que les autorités agissent :
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en abaissant les limites d’exposition aux rayonnements ionisants dont bénéficient les transports afin, a minima, de mettre en cohérence la réglementation « transports » avec les normes sanitaires de base. Si l’état ne fait pas évoluer la réglementation, il faudrait exiger la mise en oeuvre de tous les moyens visant à protéger les populations contre les rayonnements induits par les transports, notamment en plaçant les convois sous escorte et en interdisant leur stationnement sur des emplacements accessibles au public. En effet, il n’est pas acceptable que la protection repose uniquement sur la capacité de chaque citoyen à identifier le risque associé à la présence d’une signalisation réglementaire sur les véhicules transportant des substances radioactives, d’autant plus que l’obligation de signalisation ne concerne qu’une minorité des colis transportés ;
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en respectant l’obligation d’évaluation des risques à laquelle l’Etat est soumis pour l’ensemble des activités nucléaires, et donc pour les transports de substances radioactives. Les autorités devraient également s’assurer que les organismes indépendants disposent des éléments leur permettant de vérifier les résultats des études d’impact ;
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en améliorant l’information du public. L’Etat doit veiller à ce que les acteurs du transport respectent leur obligation d’information. Le champ de ces obligations devrait être étendu à l’ensemble des colis, et non uniquement sur les colis soumis à agrément (quantité de colis, quantité de convois, radionucléides transportés, données relatives rayonnement émis par les convois ainsi qu’à leur contamination surfacique, …). Par ailleurs, l’ensemble de la population, en particulier en milieu scolaire, devrait être informée des risques liés aux transports de substances radioactives et des moyens de s’en protéger.
Concernant les exploitants des installations nucléaires de base (INB), que la CRIIRAD a sollicités dans le cadre de cette étude :
les rapports annuels relatifs à la sûreté nucléaire et à la radioprotection que chaque exploitant est tenu de publier, dits rapports « TSN », devraient comporter des éléments détaillés s’agissant des transports. Actuellement, les rapports « TSN » d’EDF ne comportent même pas de partie spécifique consacrée à ce sujet ; les statistiques publiées par l’exploitant d’une INB devraient être plus complètes. Actuellement, les lettres d’information mensuelles publiées par EDF comportent une rubrique « transports » qui ne concerne pas les transports de combustibles neufs, au prétexte que l’information relative à ces colis relève de la responsabilité de l’expéditeur. De plus, ces lettres ne comportent aucune information relative à l’intensité du rayonnement émis par les colis ;
l’information que les exploitants sont tenus de transmettre devrait être communiquée sans que les personnes qui en font la demande ne soient contraintes de faire appel à la Commission d’Accès aux Documents Administratifs ou d’engager des procédures judiciaires. Pour consulter le rapport d’étude :
http://www.criirad.org/transports/14-21-CRIIRAD-transports.pdf
Contact : Julien SYREN,
[email protected], 06 03 74 00 55