19 mai 2021 à 10:28 dans Actualité, Economie: sur la crise... et la dette | Lien permanent | Commentaires (0)
23 novembre 2019 à 14:18 dans Actualité, Economie: sur la crise... et la dette, Expériences pour l'avenir | Lien permanent | Commentaires (0)
Avec la prolifération des initiatives dites « humanitaires », généreuses, solidaires, s’installe une certaine confusion. Solidarité, aide, charité, urgence humanitaire : de quoi parle-t-on ? Derrière un chantage permanent à l’indifférence à l’égard du malheur d’autrui, ne voit-on pas se dessiner et se développer une vaste entreprise de formatage moral et global ? Parce que ces débats se présentent comme éthiques, la critique est suspecte. Pourtant, le contenu du devoir de solidarité mérite d’être interrogé.
On peut d’abord souligner la dimension privée et non publique de ces actions et des discours qui les accompagnent. Le marché de la solidarité qui s’installe sous nos yeux s’inscrit dans le contexte général d’une régression des Etats, à l’exception de ceux qui, de par leur caractère autoritaire, constituent les cibles des entreprises humanitaires.
Au XXe siècle, l’Etat dit « providence » met en œuvre des politiques visant à améliorer la vie des citoyens. La pauvreté est alors vue comme un obstacle à l’accès à ce bien-être destiné à être partagé solidairement dans une République sociale. A l’inverse, l’action humanitaire se penche relativement peu sur la condition sociale des victimes. Elle s’intéresse au risque vital qui les guette, au danger absolu : la mort, en particulier celle provoquée par la famine, risque emblématique qui déclenche les alertes — fondées ou erronées. En France, la visibilité médiatique des Restos du cœur est supérieure à celle des aides publiques alimentaires, qu’on pourrait croire disparues tant l’emphase est mise sur la générosité individuelle. Cette privatisation de l’aide sociale comme complément nécessaire de l’action publique ne poserait pas question si elle n’apparaissait pas dans l’opinion comme une solution de rechange ou une substitution qui ne dit pas son nom à l’Etat.
30 mars 2018 à 17:13 dans Directintox, Economie: sur la crise... et la dette, Histoire | Lien permanent | Commentaires (0)
Chacune des périodes de l’histoire humaine a fait la part belle à l’une des trois formes d’économie : économie de marché, économie de prélèvement et de redistribution et, enfin, économie non monétaire et de don. A l’heure de la crise, n’est-il pas temps de réhabiliter cette dernière
Les hommes, êtres biologiquement fragiles, incapables de survivre seuls dans la nature, ont inventé au cours de leur histoire trois forces de cohésion sociale pour survivre à plusieurs, échanger et faire société : l’économie de marché ; l’économie de prélèvement et de redistribution effectuée par un centre ou pouvoir de délégation, religieux, guerrier ou politique - l’Etat, dans nos sociétés industrialisées ; l’économie non monétaire de don et de réciprocité dont les fondements et la cohérence ont été étudiés par des anthropologues de renom, de Marcel Mauss à Claude Lévi-Strauss en passant par Karl Polanyi.
Chacune des grandes périodes de l’histoire humaine a fait la part belle à l’une de ces trois formes d’économie, sans pour autant avoir complètement éliminé les autres. L’apogée de chacune de ces formes d’échange semble correspondre à celle d’une histoire collective particulière que les hommes se racontent entre eux : « Une manière de voir le monde et de se voir comme acteur de ce monde. »
A l’ère de la mondialisation, politiques et « experts » - avec certes des points de vue différents - se concentrent sur la meilleure combinaison à trouver à tous les niveaux d’organisation entre les logiques du marché et celles de l’Etat nécessaires au bon fonctionnement d’une société dominée par les services. Mais rares sont ceux qui évoquent l’existence d’une troisième logique de cohésion. Compenser les inégalités du marché par les forces de redistribution élargissant le nombre des consommateurs solvables ne semble pas aller de soi, alors parler d’une économie non monétaire, dominée par une logique de don, comme une troisième logique combinatoire aux deux autres... Pis, essayer de comprendre le principe de cohérence d’une économie de don apparaît à certains comme un reniement de l’œuvre civilisatrice des missionnaires de Dieu, relayés par les missionnaires du développement. Une régression aux temps archaïques des « bons sauvages » d’avant l’ère chrétienne !
Pourtant désemparés par une mutation de notre société qui provoque une quadruple crise - du contenu donné au travail, du lien social, du sens, et de la durée (le temps éphémère nous échappe et nous condamne à l’urgence) -, nous avons relégué cet héritage résiduel à la sphère étroite de la famille, voire à la seule relation parent-enfant.
Parce que l’échange de don est par nature ambivalent, nous en avons retenu le versant négatif. En allemand, le même mot désigne à la fois le don et le poison. Tout un courant sociologique, relayé par la psychanalyse, n’a eu de cesse de nier l’existence du don, qui ne serait que l’expression d’un intérêt caché et calculateur, conscient ou inconscient, inavoué ou inavouable. La religion a transformé le don en charité pour gagner son paradis, car Dieu seul, au-delà des pécheurs, est capable d’actes gratuits.
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04 février 2018 à 10:01 dans A lire, Economie: sur la crise... et la dette | Lien permanent | Commentaires (0)
https://france.attac.org/nos-publications/les-possibles/numero-14-ete-2017/dossier-le-travail/article/la-centralite-du-travail-vivant
mardi 19 septembre 2017, par Jean-Marie Harribey *
Au cœur des emballements médiatiques au sujet du revenu universel qui ont accompagné la campagne électorale française de 2017 ou qui reviennent de façon récurrente dans certains milieux alternatifs, il y a la question du travail. [1] D’autre part, les craintes exprimées face aux réformes du Code du travail sont d’autant plus vives qu’apparaît nettement le projet libéral de s’attaquer pas seulement à ce Code, mais au travail lui-même. Dans tous les cas, les explications avancées pour justifier tel ou tel projet sont principalement fondées sur l’idée que le travail aurait perdu sa « centralité », voire qu’il n’aurait jamais eu la centralité que certains lui prêtent, et que les droits qui l’entouraient seraient devenus obsolètes. Il ne manque pas de grandes figures de la philosophie politique pour servir de référence à la perte de la centralité du travail, certaines étant même considérées comme des icônes de la pensée critique contemporaine, notamment Arendt, Gorz ou Foucault. Pourtant, si l’on regarde du côté de Marx, premier critique de l’aliénation du travail tout en assumant une part de l’héritage hégélien au sujet du travail comme « essence » de l’homme, ou bien du côté des psycho-sociologues actuels de la souffrance au travail comme Dejours, on redécouvre l’importance du concept de centralité du travail. Dès lors, la négation du concept ne serait que le paravent de la négation du fait même, le travail. Et nier le travail serait une énième occasion d’enterrer son rapport conflictuel au capital.
03 février 2018 à 10:16 dans A lire, Economie: sur la crise... et la dette, Histoire | Lien permanent | Commentaires (0)
Récemment, la Ville de Paris a soumis au vote de son budget participatif un nouveau dispositif à financer : la « boîte à dons ». Une petite maison en bois où l’on dépose ce que l’on veut (seule contrainte : que ce soit en bon état), libre à chacun de prendre ou pas. L’association derrière l’opération espère en construire 25 du genre dans la capitale…
Le don, nouvelle pratique à la mode ? Il semblerait, tant se sont multipliés ces dernières années les dispositifs visant à accroître la générosité. Deux phénomènes, parmi les plus marquants : l’explosion du crowdfunding, qui permet, grâce à Internet, de soutenir des projets sans l’intermédiaire des associations traditionnelles, et le développement du don en caisse et de l’arrondi sur salaire, deux dispositifs consistant à verser quelques centimes à une association à chaque passage en magasin ou à la réception de sa feuille de paye. Depuis trois ans, 1,2 million de microdons ont été collectés ainsi.
Le don n’a jamais été aussi en vogue que dans les sociétés de (sur)consommation. Un paradoxe ? Pas du tout ! Dans son Essai sur le don, publié en 1925, l’anthropologue Marcel Mauss dévoile ainsi que le don est une pratique universelle (et donc inextinguible), car il est la condition sine qua non de l’existence même de toute société, le roc de toute structure sociale. Une société reposant uniquement sur l’économie « économique » est inimaginable – il s’agirait alors d’une addition de personnes seules.
Comment expliquer que le don ait cette vertu quasi magique de fabriquer du lien entre nous ? En se fondant sur les comportements de tribus primitives, Marcel Mauss révèle que le don relève de la triple obligation inconsciente du « donner, recevoir, rendre ». Un triptyque qui force les individus à créer du lien entre eux. Au contraire, le marché est le creuset de l’individualisme : l’échange de monnaie permet en effet de rompre la relation à tout moment. Si l’on osait, nous dirions que c’est la différence entre l’amour et le sexe tarifé. Quand on aime, « on ne compte pas », d’où l’engagement émotionnel intense du sentiment amoureux. Dans le cas de la prostitution, l’argent qui entre en jeu permet aux parties prenantes de ne pas s’investir dans la relation.
Voilà pourquoi donner est une expérience tout à fait banale et naturelle dans notre existence : aimer, partager un repas, écouter un ami, passer du temps à jouer avec ses enfants, donner un coup de main à un aïeul, et même donner la vie. Toutes ces choses qui n’ont pas de prix sont à la base de notre « vivre-ensemble », et en font la saveur. Quant au « don à un inconnu », bien qu’encouragé de toute part, il semble rester stable : chaque année, en France, quelque 4 milliards d’euros sont versés à des associations.
Pauline Graulle
03 février 2018 à 10:11 dans A lire, Economie: sur la crise... et la dette, Expériences pour l'avenir | Lien permanent | Commentaires (0)
20 décembre 2017 à 14:16 dans Actualité, Economie: sur la crise... et la dette, Mobilisations/ débats | Lien permanent | Commentaires (0)
Depuis 2003, nous rendons compte des résultats des enquêtes réalisées dans le cadre du programme interdisciplinaire Facultad Abierta de l’université de Buenos Aires[i]. Celui-ci se destine à l’étude des expériences des entreprises récupérées par les travailleur-e-s (ERT) en Argentine[ii]. Publiée en mai 2016[iii], la 5e enquête dresse un état de la situation, pointe les évolutions entre décembre 2013 et mars 2016 et s’attache plus particulièrement à analyser les premières conséquences des politiques mises en œuvre par le gouvernement de Mauricio Macri[iv]. En juillet 2016, nous rendîmes compte des difficultés auxquelles les ERT sont confrontées avec les hausses des prix de l’énergie décrétées par le nouveau pouvoir d’orientation ultralibérale[v]. Dans cet article, nous présentons l’actualisation des données et des caractéristiques générales du processus et nous concluons par les défis que les ERT vont devoir relever dans le nouveau contexte politique.
Poursuite du processus
En mars 2016, il existait 367 ERT actives en Argentine qui occupaient 15 948 travailleur-se-s. Depuis la clôture de l’enquête précédente en décembre 2013, 43 entreprises ont été récupérées et 6 ne sont pas parvenues à consolider le processus. Ce premier indicateur démontre que la récupération et la consolidation d’entreprises autogérées se poursuivent à un rythme soutenu depuis la crise de 2008. Parmi les ERT en activité, le total de récupérations postérieures à 2009 est désormais plus important que celui de celles issues de la crise de 2001, période communément identifiée au mouvement des ERT en Argentine. De même, le taux d’ERT n’ayant pas pu se consolider est bien moindre que celui observé pour les entreprises classiques, y compris les PME, puisqu’il est de 10% contre plus de 50% pour les entreprises classiques après 4 années d’activité, selon des sources du ministère du travail[vi].
Les récupérations d’entreprises n’auront donc pas été un processus éphémère puisqu’il se maintient dans la durée (15 années si on n’excepte les quelques récupérations réalisées au cours des années 90). La récupération en autogestion des entreprises, que les patrons ferment ou abandonnent, est clairement perçue comme une alternative viable par les travailleur-se-s argentin-e-s pour préserver la source de travail. Cette réalité corrobore les déclarations de José Abelli en 2009 : « Aujourd’hui, quel que soit l’endroit dans le pays, lorsqu’une entreprise ferme, les travailleurs brandissent le drapeau de l’autogestion. C’est le grand acquis de la lutte de la classe ouvrière argentine »[vii] ou d’Andrés Ruggeri en 2014 lors de la rencontre européenne de l’Économie des travailleur-se-s : « l’aspiration à la démocratisation de la production et à la redistribution des richesses est inscrit dans l’ADN des travailleurs »[viii].
Des répartitions territoriale et sectorielle relativement constantes
En termes d’implantation géographique, il existe peu de différences avec les périodes précédentes, hormis un nouvel accroissement du nombre d’entreprises dans la ville de Buenos Aires. Un peu plus de la moitié des ERT se situe dans l’aire métropolitaine de Buenos Aires (189), zone qui occupe la moitié des travailleur-e-s concerné-e-s (7 781). Un peu plus de 80% des ERT se trouvent dans la région de la Pampa (299)[ix]. Pour autant, comme nous l’écrivions précédemment, le processus couvre l’ensemble du pays : Nord-Est (28), Patagonie avec les grandes entreprises de céramique (23), Cuyo Centre-ouest (15) mais seulement deux dans le Nord-Ouest.
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05 janvier 2017 à 13:49 dans Ailleurs, Amérique Latine, Economie: sur la crise... et la dette, Expériences pour l'avenir, L'info que vous n'avez pas | Lien permanent | Commentaires (0)